FATIMAH HOSSAINI, Beauté en exil

FATIMAH HOSSAINI, Beauté en exil

Comment vas-tu Fatimah ?

J’ai le mal du pays…

Artiste, activiste féministe, réfugiée de guerre, Fatimah Hossaini est née à Téhéran en 1993 issue d’une famille de la minorité afghane. D’une certaine manière, elle a toujours porté en elle les éléments constitutif de sa pratique artistique. Entre Iran et Afghanistan, Fatimah a étudié, enseigné et pratiqué la photographie dans une quête de vérité, celle des femmes et donc la sienne. Apatride de naissance et de culture, Fatimah cherche à renouer avec ses identités et plus encore depuis la chute de Kaboul en 2021 qui l’a contrainte à fuir le pays.

Pearl In The Oyster #10 © Fatimah Hossaini

Pour commencer, pourrais-tu nous parler de toi et de tes débuts photographiques ? 

Pour me connaître, il faut comprendre où tout a commencé. 

Mes grands-parents ont été forcé de quitter l’Afghanistan pour l’Iran en 1918, pendant la guerre soviétique. Même si les nouvelles générations sont nées en Iran, je ne peux pas être iranienne, c’est lié au sang.

Pear In The Oyster #5 © Fatimah Hossaini

À 14 ans, mon premier rapport à l’art fut celui à la peinture dont je suivais des cours. Bien que pour moi l’art était sérieux, je ne pensais pas que cela pouvait changer ma vie. Cependant, lorsque j’ai commencé les mathématiques à l’école, mes parents voulaient que je devienne ingénieure. J’ai donc commencé des études d’ingénieure pendant quatre ans : les pires années de ma vie. Lors de la dernière année, j’ai commencé à prendre des cours de photographie. Ce support me permettait d’être plus rapide qu’avec la peinture pour ainsi mieux saisir le résultat que je voulais. Après ces cours et tant de luttes, notamment avec ma famille, j’ai obtenu une bourse à l’université de Téhéran.

J’ai commencé une deuxième licence. J’étais l’ingénieure ratée qui commençait la photographie en partant de zéro, c’était une grande affaire pour moi et ma famille. Je suis le premier enfant d’une famille du Moyen-Orient : Peux-tu imaginer ? J’ai ensuite travaillé dans des ateliers iraniens, j’ai exposé mon travail puis j’ai décidé de retourner en Afghanistan après l’obtention de mon diplôme.

Pearl In The Oyster #32 © Fatimah Hossaini

Après mon troisième séjour à Kaboul, j’ai décidé de m’y établir. J’ai commencé à enseigner à l’université de Kaboul dans le département de photographie. Après la guerre civile en Afghanistan, le niveau entre les universités de Kaboul et de Téhéran était très inégal. Parallèlement, j’ai créé mon organisation, Mastooraat Art Organization for Women and Art, pour l’autonomisation des femmes par le biais de l’art et de la photographie.

L’idée d’être une femme est tellement belle.

En parlant de ton association, on aimerait te demander quelle est l’importance des des femmes dans ta vie et ton travail. 

Pour moi, c’est très important en raison de mon histoire et d’où je viens. Lorsque l’on voit à Paris comment les femmes occupent les rôles décisionnels, je ne peux que rêver qu’il en soit de même un jour en Afghanistan, même si cela prend un siècle. Le concept de femme est tellement beau. Quand je pense à l’Afghanistan, c’est toujours à cause des hommes. Ils ont commencé les guerres, mais les victimes ont toujours été des femmes. Lorsqu’un pays ne connaît jamais la paix, c’est toujours à cause d’un comportement irrespectueux à l’égard des femmes.

Lorsqu’un pays ne connaît jamais la paix, c’est toujours à cause d’un comportement irrespectueux à l’égard des femmes.

Pearl In The Oyster #11 © Fatimah Hossaini

Lorsque j’étais à Téhéran, je n’avais pas d’image claire des femmes en Afghanistan et j’ai donc lancé “Beauty and War”, un projet photo que je voulais vraiment réaliser. Ma sœur et ma mère ont été les premières femme que j’ai photographiées. Lorsque j’y suis allée, j’ai réalisé à quel point ce pays était coloré et beau, mais que personne n’en parlait. Je pense que parfois les images, comme les photos, sont plus fortes que les mots ; en réalité,  c’était aussi une façon d’exprimer mes sentiments.

À Kaboul, j’ai créé de véritables amitiés qui m’ont permises de demander à ces femmes de les prendre en photo. Je pense qu’on a une perspective très claire et honnête lorsqu’une femme est en face de nous. En tant qu’Afghane, je suis passée par les mêmes luttes que ces femmes, ce qui me permet de mieux les comprendre. 

En tant qu’Afghane, je suis passée par les mêmes luttes que ces femmes, ce qui me permet de mieux les comprendre.

Pearl In The Oyster #8 © Fatimah Hossaini

Comment as-tu éviter de tomber dans la photographie documentaire ? 

Certaines de mes photos sont naturelles et spontanées, mais en réalité mon travail est un mélange de photographies mises en scène et naturelles.

Mon travail n’est pas réel, mais en même temps il l’est aussi. Ces femmes sont réelles, les étales, les textiles, tout est réel. Cependant quand je regardais ces boutiques des rues de Kaboul, c’était toujours l’histoire des femmes et les objets faits des mains des femmes que je pouvais voir, même si tous les acheteurs étaient des hommes. En Afghanistan, en tant que femme, mon frère ou mon mari aurait dû m’acheter les choses que je voulais, comme les tissus des ces étales. Les femmes fabriquent le textile, les hommes l’achètent pour les femmes. Prendre des photos de femmes devant ces magasins est une mise en scène. L’espace d’un instant, grâce à mon imagination, la scène prenait vie et devenait réelle.

Pearl In The Oyster #18 © Fatimah Hossaini

Est-il difficile de parler de la question des femmes en Afghanistan ? 

Après la guerre civile, beaucoup de choses nous ont été enlevées en Afghanistan, même des choses colorées et positives de notre héritage et notre histoire. Dans un autre projet, on peut y voir de magnifiques textiles et bijoux, il s’agit de pièces du patrimoine fabriquées par des femmes. Les femmes ont créé le patrimoine culturel, c’est aussi une histoire de femmes. Lorsqu’elles posaient devant mon appareil photo, il y avait de la honte, résultat d’un code de conduite particulier que j’ai pu trouver en Afghanistan. La société nous impose de nombreuses restrictions, même si j’en ai connu dans ma vie. Je viens d’un milieu très religieux et traditionnel ; il n’est donc toujours pas facile pour moi de me dévoiler face caméra. Je ne suis toujours pas à l’aise avec mon corps.

Les femmes ont créé le patrimoine culturel,
c’est aussi une histoire de femmes.

Fahima Mirzaee © Fatimah Hossaini

L’Afghanistan est un État d’hommes. Dans mes projets photographiques, j’ai eu beaucoup de problèmes avec la publication des photos de ces femmes, même avec le processus de discussion avec elles. Se tenir devant l’appareil photo est déjà très compliqué pour ces femmes.

En racontant l’histoire de ces femmes, en racontant ces histoires inédites, je peux leur donner une voix. En tant qu’artiste et activiste, je pense que j’ai la responsabilité de raconter les histoires capturées par ma photographie. La vie des femmes est passée sous silence avec les talibans, mais j’ai au moins capturé ces dernières années de liberté.

En racontant l’histoire de ces femmes, en racontant des histoires inédites, je peux leur donner une voix.

Pearl in the Oyster © Fatimah Hossaini

J’ai des regrets. Si j’avais eu plus de temps et de liberté, j’aurais pu faire plus.

Pourquoi tu as choisis de représenter ces femmes par le portrait?  

Les portraits sont plus intimes, je veux donner mon point de vue sur l’histoire des femmes. Le portrait me permet d’aller plus loin et d’interroger par exemple l’identité de mes modèles qui est  celle de femme. Ce que je veux montrer c’est que ces modèles ne sont pas Pachtounes, des Hazaras ou Tadjiks mais femme. Être une femme peut être mon identité, être afghane peut être mon identité, et être iranienne de cœur peut être aussi mon identité. Je mélange ces identités. Dans cette série sur les montagnes de Zahhâk à Bamyan, le modèle est tadjik de Badakhshan et porte des textiles hazaras dans une région hazara. Le rouge du textile est une réponse au génocide des Hazaras.

Être une femme peut être mon identité, être afghane peut être mon identité, et être iranienne de cœur peut être aussi mon identité.

Pearl In The Oyster #4 © Fatimah Hossaini

Dans mon travail, on peut voir de belles femmes dans les rues, mais il y a plus à raconter. Leurs histoires sont centrales en raison du contexte afghan. Je suis Hazara, mes yeux en amande font de moi une cible. Les ethnies ont des problèmes entre elles, en particulier les Pachtounes, qui pensent que l’Afghanistan est pour eux, que les Hazaras sont des Mongols et que les Tadjiks sont du Tadjikistan. Ce n’est pas un problème facile. Dans une de mes séries, j’ai mis une Hazara à côté d’une Pachtoune, et ces photos m’ont valu beaucoup de haine. Au premier coup d’œil, vous ne pouvez pas comprendre, la véritable narration est plus profonde.

Tu es en exil, déconnectée de tes racines et de tes identités, comment fais-tu ?

J’ai commencé mon projet photo en 2015 à Téhéran, malheureusement, il est resté inachevé après la chute de Kaboul et j’ai été forcée de partir d’Afghanistan dans un avion militaire américain. Je ne pouvais pas croire qu’un jour je serais forcée de quitter mon pays comme l’ont fait mes grands-parents. Cependant, je continue de travailler, j’ai une bourse du Ministère français de la culture. Dans un contexte de guerre, l’exil est un choix facile, mais c’est un fardeau très lourd à porter. 

Dans un contexte de guerre, l’exil est un choix facile mais c’est un fardeau très lourd à porter.

Pearl In The Oyster #28 © Fatimah Hossaini

J’ai pris cinq photos de femmes en exil pour finir mon projet de 2015. Les femmes en exil racontent la beauté, la résilience, l’espoir et la féminité. J’ai trouvé une nouvelle façon de raconter mon histoire et celle des autres. Vous pouvez même voir que la couleur de mes photos a changé, je ne pouvais pas trouver les couleurs de l’Afghanistan.

J’ai maintenant du mal à accepter ce nouveau mode de vie, même si j’ai eu beaucoup d’opportunités et rencontré des gens extraordinaires. L’exil est triste. Les premiers mois, je pleurais dans les rues. Aujourd’hui, je veux changer le cours des choses. En fin de compte, ce n’est toujours pas chez moi. 

En fin de compte, ce n’est toujours pas chez moi.

Tu es ton propre modèle maintenant ?

Oui, majoritairement des autoportraits. C’est un grand changement pour moi. Je n’ai pas fait beaucoup d’autoportraits publics.

Dans ma nouvelle série, je me représente avec des gants et un chapeau Hazara, le seul que j’ai pu emporter après la chute de Kaboul. Je suis maintenant mon modèle. Je trouve ici des choses qui me ramènent en Afghanistan, des petites choses. Je retrouve l’Afghanistan dans la musique de mon père, dans sa playlist. Mon dernier projet est lié à une musique Hazara jouée par mon père. Dans ma nouvelle série, je ne peux toujours pas regarder l’appareil photo.

Je trouve ici des choses qui me ramènent en Afghanistan, des petites choses. Je retrouve l’Afghanistan dans la musique de mon père, dans sa playlist.

Quels sont tes prochains projets ?

Aujourd’hui, je n’ai plus aucun lien physique avec mon projet principal, et c’est pourquoi je veux arrêter de travailler sur le concept de l’Afghanistan. J’ai commencé de nouveaux projets avec des femmes à la fois en Asie et de la région MENA. Il s’agit toujours de raconter des histoires d’héritage, de racines et de connexions. Ce sera un défi. En fin de compte, c’est la même chose que pour les femmes afghanes, dans un autre contexte : il s’agit toujours de femmes.

Fatimah Hossaini est lauréate du Prix Habib Sharifi x Société Nationale des Beaux-Arts en 2023.

Crédits:
Photo couverture (Home) : Fatimah Hossaini
Photos : Fatimah Hossaini
Texte: Raphaël Levy
Traduction : Raphaël Levy
Fatimah Hossaini’s website

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ESTELLE HANANIA, Ambiguïté de la beauté

ESTELLE HANANIA, Ambiguïté de la beauté

Estelle Hanania joue constamment dans ses photos avec une forme d’ambiguïté intrigante mélangeant le brut avec le doux, le magique avec le réel, l’ordinaire avec l’extravagant.

Elle a gagné le prix de photo au Festival de Hyères en 2006, et depuis son travail peut être vu dans les magazines de mode les plus renommés et des clients prestigieux comme Hermès ont collaboré avec elle lui offrant carte blanche.

Diplômé des Beaux-Arts de Paris, tu as gagné le prix de photo au Festival de Hyères en 2006. Pourquoi est-ce que tu as finalement choisi la photographie comme moyen d’expression ?

Pendant mes études d’Arts Appliqués et aux Beaux-Arts j’ai toujours beaucoup utilisé la photo. Mais le vrai déclencheur est venu quand j’ai rencontré la photographe française Camille Vivier. Elle est fantastique et ses photos de mode ont quelque chose de très libre. Son travail m’a encouragé à devenir photographe sans renoncer à ma liberté artistique et à mes exigences.

Je suis quelqu’un plutôt instinctive, mes photos sont comme des visions, des formes différentes composées dans un cadre. J’adore la lumière plate des vieux films de l’Europe de l’est.

Il y a aussi une dimension psychologique dans mon travail. Qui est la personne que je prends en photo ? Qu’est-ce que je veux en particulier révéler dans mes photos ?

Dans ton livre « Glacial Jubilé » tu as réuni 6 ans de travail sur la culture païenne et les rituels hivernaux en Europe de l’Est. Qu’est-ce qui te fascine autant dans ces rituels ancestraux?

Je suis un grand fan de l’art brut, l’art fait par des autodidactes. Il y a quelque chose de très spontané dans ce genre de création, quelque chose d’utilitaire, de décoratif, de naïf.

Il y a 10 ans, j’ai vu l’exposition « L’Esprit de la Foret » et il y avait dans le catalogue l’image d’un masque qui m’a intriguée en particulier. J’ai fait des recherches et finalement j’ai trouvé le petite village en Suisse d’ou elle venait. J’ai décidé d’y aller et prendre des photos de la célébration de solstice d’hiver. Depuis lors, je continue à prendre des photos de ce genre de rituels de solstice d’hiver en Bulgarie, en Autriche, en Suisse, et aux Pays Basque.

“Ce qui est fascinant pour moi dans ce thème est que pendant ces célébrations les gens ordinaires deviennent des performeurs, quelqu’un d’autre, ils sortent de leur peau pour revenir plus calme et purifié. C’est une sorte d’exorcisme.”

Cependant mes photos sont moins précises qu’une recherche anthropologique. J’aime garder une part de mystère.

Des Masques, des costumes, des dessins sur des corps, des visages peints sont des thèmes qui reviennent constamment dans ton travail. Dans ton livre « Happy Purim » tu as pris en photos des enfants déguisés qui célèbrent la fête de Pourim. 

D’où vient cette obsession pour les déguisements, les masques ? 

J’ai pris la série de photos de « Happy Pourim » à Stanford Hill, un quartier juif ultra-orthodoxe dans le Nord de Londres. Je suis déjà y allée plusieurs fois pour prendre ces enfants en photo qui fêtent le Pourim et qui se déguisent avec les costumes les plus étranges.

Ces photos sont une combinaison de ma fascination pour les masques, pour se déguiser, de changer de peau, de sortir de soi-même ; et de mon intérêt pour le côté fratrie.

J’ai une sœur jumelle, il y a une raison personnelle derrière cette fascination pour les frères et sœurs qui se ressemblent et qui s’habillent pareil. Cette ressemblance peut être vue comme ‘creepy‘ mais ça peut aussi être drôle. Cela dépend de la perception personnelle de chacun.

Mise à part l’approche anthropologique dans ton travail de photographe, tu travailles aussi sur des photos de mode pour des magazines comme le M Magazine, Another Magazine, Wallstreet Journal, Pop, Dazed and Confused ou clients comme Martin Margiela, Miyake ou Hermès. Est-ce que la mode t’inspire ?

Avec ma sœur Marion, nous nous sommes toujours intéressées à la mode. Nous achetions tous les magazines de mode et nous connaissions tout sur chaque designer et photographe de mode.

Notre mère dessinait et peignait énormément, elle nous a transmis la passion pour l’art et le faut d’être créative. Ma grand-mère faisait beaucoup la couture et nous a transmis l’amour pour le travail manuel.

“Pour moi la mode est très inspirante, les robes et les accessoires sont comme des objets. Elle permet de créer des caractères, de raconter de histoires. “

Je suis aussi intéressée par tout ce qui touche au corps humain et à la façon dont il peut être présenté. La photographie de mode est une occasion idéale pour exprimer cet aspect.

Est-ce que tu préfères travailler seule ou est-ce que tu aimes les collaborations avec d’autres artistes et mélanger les différents moyens d’expression artistique ? Un très bon exemple pour repousser les frontières fut notamment ta collaboration avec l’artiste français Christophe Brunnquell. 

J’adore travailler avec Christophe. Nous nous sommes rencontrés à Berlin et nous avons organisé ensemble un shooting pour le magazine « Sang Bleu » avec un casting de plusieurs danseurs. Pendant 8 à 9 heures nous avons improvisé et nous nous sommes laissés guider par notre créativité.

“Collaborer avec Christophe Brunnquell est extraordinaire, presque comme une performance.”

C’est une fusion de son travail et du mien, qui permet de laisser derrière nous toutes les contraintes de notre processus de création habituel et de créer quelque chose de nouveau ensemble mais sans savoir en amont quel résultat nous allons éteindre. Christophe pousse constamment ses limites, casse les frontières, moi, je suis plus attentive, plus focus sur le mannequin que je suis en train de prendre en photo.

Mais il y aussi d’autres artistes que j’admire et avec lesquels j’aimerais collaborer, par exemple le réalisateur Czech Jan Svankmajer, l’artiste Corentin Grossman ou le fleuriste Thierry Boutemy.

Tu joues constamment avec une certaine forme d’ambiguïté dans tes photos ce qui crée une ambiance très intense et intrigante, et qui peut même parfois être assez dérangeante. Est-ce que c’est le sentiment que tu essaies d’évoquer dans ton travail ?

J’ai toujours détester d’être catégorisée, la fille blonde, mignonne, gentille. Nous avons tous notre côté obscur. Nous représentons une certain image mais il y a beaucoup plus derrière.

“Dans mes photos des rituels de solstice d’hiver je montre ce côté obscure qui amène à la fin à la purification, au nettoyage d’esprit.”

Est-ce qu’il y a des films de ton enfance qui ont inspiré ta vision artistique ?

Il y en a beaucoup, « Le Magicien d’Oz », « La Mélodie du bonheur », « L’histoire sans fin ».

Dans « La Mélodie du bonheur », j’aime l’histoire autour de la fratrie qui s’habille pareil.

Dans « Le Magicien d’Oz » et « L’histoire sans fin », les deux histoires commencent dans un monde ordinaire et bouscule soudainement dans un monde étrange et fantastique.

C’est exactement ce que j’essaie d’obtenir dans mes photos. Ces films ont définitivement influencé mon travail.

Qu’est-ce qui te vient à l’esprit quand tu penses à l’Iran ?

Je pense à mon ami Payam et à son collectif d’artiste « Slavs and Tatars ». C’est lui qui m’a introduit à la culture iranienne.

Credits:
Toutes les photos par Estelle Hanania
Texte: Anahita Vessier
http://www.estellehanania.com/

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LINDA BROWNLEE, Révéler la beauté invisible du brut

LINDA BROWNLEE, Révéler la beauté invisible du brut

Primée et connue pour son approche documentaire, Linda Brownlee travaillent pour les journaux et les magazines les plus prestigieux. Elle a publié plusieurs livres et ses photos ont été exposées à la National Portrait Gallery à Londres.

Intriguée par l’esthétique romantique du brut, elle trouve ses inspirations dans la beauté inattendue des détails auxquels on ne ferait pas attention. Révélant des moments d’intimité avec une sincérité spontanée, ses images évoquent une légèreté délicate enrobées d’une lumière élégance et douce.

Anahita’s Eye présente son projet “i Zii”, un portait plein de tendresse d’une famille au village de Gangi en Sicile.

Après avoir terminé un cursus de communication à la Dublin City University, tu as fait des études d’art et de design. Qu’est-ce qui t’a finalement poussé à devenir photographe ?

La photographie était un des modules inclus dans les études d’art et design, et j’y ai complètement adhéré. Je photographiais tout et n’importe quoi.

J’adorais ça ! A ce moment-là, je ne connaissais aucun photographe irlandais et je ne savais pas comment en faire une carrière, c’était simplement une passion et j’ai décidé de la suivre et de voir où cela pouvait m’amener.

Il n’y avait aucun engagement, à l’origine, c’était plutôt un hobby, avant que je ne me rende compte, trois ou quatre ans plus tard, que c’était beaucoup plus sérieux et que j’envisage alors une carrière.

Et si tu n’avais pas décidé de devenir photographe …

…je serais devenue un vétérinaire équin, une actrice, un sculpteur, un avocat… J’avais envie de tout et de tout faire.

A travers tes photos, tu observes la vraie nature des gens dans leur intimité et leur relation avec leur environnement.
Quand tu photographies un portrait, qu’est-ce qui est vraiment important pour toi ?

Pour moi, le focus est de capter une énergie et une ambiance, quelque chose qui reflète cette échange, même si c’est très bref.

Et pour capter cette énergie, as-tu tendance à diriger tes sujets ou préfères-tu rester plutôt spontanée ?

Pour moi c’est très important de créer une atmosphère très cool et relaxe, comprendre la chimie de la personne en face, de la situation, trouver une conversation.

J’essaie de diriger au minimum, préférant que les choses se dévoilent naturellement pour obtenir quelque chose plus intéressant et plus intime.

Ces moments d’intimité, tu les montres dans plusieurs documentaires pour Nowness : La série « Limber Notes » mettant en scène des performeurs de tous les âges et milieux sociaux qui ont tous une chose en commun, leur amour pour la danse. Ou dans « In the Arena » sur le mannequin anglais Edie Campbell qui dévoile sa passion pour l’équitation.  

 Souhaiterais-tu travailler plus sur les films documentaires ? 

Oui, j’aimerais réaliser plus de films. Je trouve cela vraiment excitant et satisfaisant.

Et j’aime le défi de travailler avec tous les éléments. J’ai étudié la radio pendant mes études de communication et j’apprécie énormément la puissance incroyable du son. Étant intéressée par le caractère des gens, leurs histoires, tout cela en créant une atmosphère, c’est presque une transition naturelle.

Je pense qu’il y a déjà quelque part en moi un grand film documentaire, il faut juste que je trouve du temps.

Y’a-t’il une personne ou un sujet en particulier sur lequel tu rêverais de faire ce grand film documentaire ?

Non, pas pour l’instant, mais dès que je trouve la personne, je suis sûre de prendre le temps qu’il faut pour le faire.

En tant que photographe primée connue pour son approche documentaire, tu travailles parfois aussi pour la mode.
Qu’est-ce qui t’intéresse dans la photo de mode ?

J’adore travailler avec des beaux vêtements, collaborer avec des stylistes, et le casting m’intéresse. C’est vraiment amusant et un terrain parfait pour expérimenter et repousser mes limites.

Y-a-t-il un artiste dont tu admires le style ?

Je ne sais pas si je dirais « admirer », mais le style de Yayoi Kusama m’amuse beaucoup.

Et une photo précise qui inspire ta vision artistique ?

Absolument pas .

Je pense ma vision artistique est inspirée par un pêle-mêle de beaucoup de choses, des films, des tableaux, des oeuvres des différents photographes… Et des longues promenades quand je n’ai pas d’idées.

Tu es non seulement photographe et réalisatrice, mais aussi mère de deux petites filles.
Est-ce que maternité a changé ta créativité ?

La maternité m’a certainement aidé à être plus concentrée, à mettre mon énergie créative sur l’essentiel.
Le fait d’être mère coupe ton temps à moitié, donc tu refuses les projets auxquels tu probablement aurais dit non de toutes façons. Cela me permet, je pense, d’apporter une certaine clarté dans mes choix.

Qu’est-ce qui te vient à l’esprit quand tu penses à l’Iran ?

Je pense à la série de photos du photographe iranien Hashem Shakeri sur les conséquences du réchauffement climatique en Iran.

Credits:
Toutes les photos: Linda Brownlee
Des extraits du livre “I Zii”, EightyOne Books, 2016
http://www.lindabrownlee.com
Texte: Anahita Vessier
Traduction: Anahita Vessier

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CAMILLE VIVIER, Surréalisme et tension érotique

CAMILLE VIVIER,
Surréalisme et tension érotique

Les photos de Camille Vivier emportent le spectateur dans un monde plongé dans un surréalisme romantique, une rêverie mélancolique, brouillée par un voile mystérieux et ouatiné. Son univers libre et sensuel intrigue et séduit.

On trouve ses photos dans les galeries et dans les magazines de mode les plus prestigieux, mais aussi dans le monde de la musique, avec dernièrement le portrait de Dita van Teese et Sébastien Tellier pour la couverture de leur album.

Le corps féminin, sa sensualité, son érotisme, sa diversité, sont des sujets très importants dans ton travail. Quelle est ta définition de la beauté?

Je suis sensible à la poésie de la beauté. Le corps est un sujet très classique. Mon travail interroge la définition du mot « beauté », de comment elle est perçue par l’histoire de l’art et aussi par la société.

“Dans mes photos il y a évidemment une recherche esthétique mais j’ai surtout envie que ma vision de ce qui est beau soit une proposition ouverte et subjective sans imposer une définition de la beauté.”

Cette vision peut parfois paraître étrange ou bizarre. Mais j’aime aller aussi de temps en temps vers des choses plus dérangeantes.

Je suis une femme qui photographie des femmes, avec une façon d’exprimer l’érotisme qui est très différente à la vision de l’érotisme pensée par un homme. Je la montre d’une manière plus abstraite.

Est-ce que tu aimes contrôler et diriger un shooting ou est-ce que tu préfères de te laisser emporter par l’énergie et donner la chance aux « accidents »?

Je ne suis pas directive, je laisse les choses se faire dans un climat de confiance.

«  Dans les moments d’incertitude et de non-contrôle, ils se passent justement beaucoup d’accidents intéressants. »

Mais avant de commencer un shooting  je pense à l’image et je prépare des références surtout pour la lumière qui est un élément très important pour moi.

Dans ton travail, tu joues beaucoup avec les contrastes, la juxtaposition du brut et du lisse, du raffinement et de la simplicité, de l’animé et de l’inanimé. Qu’est-ce qui te fascine dans cette association de deux choses différentes?

L’inquiétante étrangeté de l’inanimé m’a toujours fasciné.

J’aime le jeu de contraste, j’aime faire cohabiter des formes ou des univers très différents et créer un dialogue entre ces deux sujets qui vont se sublimer l’un l’autre, comme la chair du corps nue d’une femme sur le béton d’une sculpture.

C’est un travail qui consiste à construire un vocabulaire entre deux éléments qui ensuite s’articulent entre eux.

A côté de tes projets personnels, tu collabores régulièrement avec des magazines de mode français et internationaux et des marques comme Isabel Marant, Stella McCartney, Martin Margiela, Hermès qui t’ont donné carte blanche pour créer un court-métrage.
Y’a-t-il un photographe dont tu admires le travail et l’approche artistique pour la photographie de mode?

Je me souviens encore, c’était dans les années 90, j’ai travaillé en tant qu’assistante éditoriale au magazine Purple quand ce livre de Wolfgang Tillmans est sorti.

“La vision de Tillmans m’a complètement bouleversée. Dans ses photos j’ai découvert une énorme liberté, un sens artistique qui m’a ouvert l’esprit, qui m’a donné envie de faire des images et qui m’a décomplexée aussi par rapport à l’image de la mode car il la présentait d’une manière plus accessible, plus spontanée, plus libre, moins glamour et lisse.”

J’adore aussi l’œuvre de Man Ray qui a travaillé pour la mode mais qui faisait aussi un travail personnel très riche avec des codes et des sujets récurrents. Il avait un gout pour les objets et l’association des éléments différents.

Ma relation avec la mode n’a pas toujours été très simple, mais avec les années j’ai acquis une assurance en tant qu’artiste qui m’a permis d’imposer ma vision de la mode, un point de vue qui est influencé par mon travail personnel. Je ne me sens plus contrainte de devoir photographier d’une certaine manière.

On ressent un sorte de romantisme, une rêverie ouatinée dans tes photos. Y’a-t-il une source d’inspiration en particulier?

“J’adore tous ce qui est une mise à distance avec une certaine théâtralité pour créer des scènes qui ont des empreintes de la réalité mais amènent à quelque chose de complètement fantasmagorique.”

Je suis très inspirée par l’art classique. J’adore les peintres hollandais et la façon dont ils exprimaient la lumière et les ombres.

J’aime aussi lire et m’évader dans des paysages que je me figure mentalement.
Pendant une période, je lisais beaucoup les romans de l’écrivain français André Pieyre de Mandiargues. On trouve dans ses livres une tension érotique mise en scène dans un univers surréaliste.

De quoi penses tu quand tu penses à l’Iran?

Le contraste entre le passé et le présent.

Credits:
Toutes les photos par Camille Vivier
Texte: Anahita Vessier
http://www.camillevivier.com/

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MASOUD GHARAEI, Poésie urbaine en noir et blanc

MASOUD GHARAEI, Poésie urbaine en noir et blanc

Masoud Gharaei est un jeune photographe iranien de Téhéran qui trouve principalement ses inspirations dans l’environnement urbain de la vie de tous les jours en observant les gens et leur comportement dans un contexte citadin. Son travail évoque une sorte de poésie visuelle de la rue et de la vie en Iran. Il adore marcher dans les rues avec son appareil photo pour capturer sa vision de la ville et de ses habitants.

“Parfois je montre à des gens que je ne connais pas la photo que j’ai prise d’eux. Ils sont très surpris et enthousiastes ce qui m’encourage à continuer.”

Masoud Gharaei est né en 1988 à Behshar dans le nord de l’Iran. Il a fait un master en management industriel à l’Université Azadi à Téhéran.

Credits:
Toutes les photos par Masoud Gharaei
Texte: Anahita Vessier
Traduction: Anahita Vessier
https://www.instagram.com/masoud__gharaei/

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NOAVI, L’art ultime de voyager

NOAVI, L’art ultime de voyager

Ma première rencontre avec Noavi fut à travers ses photos et j’ai été immédiatement séduite par sa vision, la sincérité et la spontanéité de son travail. Née et élevée à Los Angeles, avec des origines Yemenite et Polonaise, elle est un beau mélange de ces deux cultures et possède une incroyable énergie et une curiosité débordante.

Passionnée par la culture des Bédouins, elle voyage d’Abu Dhabi à l’Arctique pour étudier la culture des Sámis, des hauteurs époustouflantes des montagnes au Yémen aux abords du Nil jusqu’au territoire de Nubiens, toujours équipée de son appareil photo et de son cahier Moleskine dans son sac pour capturer ses expériences uniques de voyages partout dans le monde.

Tu voyages beaucoup dans les pays du Moyen Orient, comment as-tu réussi à prendre des photos en tant que femme dans ces pays principalement musulmans et avec une forte dominance masculine ?

C’est difficile, que ce soit pour une femme ou pour un homme, de photographier des femmes dans des pays musulmans parce qu’elles sont en général plutôt fermées à l’idée d’être prises en photos. Prendre des photos des hommes est plus facile. C’est une culture tellement conservatrice que ça prend énormément de temps de créer une atmosphère de confiance pour prendre en photos les femmes dans les pays arabes.

Comment parviens-tu à créer cette atmosphère de confiance pour que des personnes que tu ne connais pas se sentent à l’aise devant l’appareil ?

La communication non-verbale est la chose la plus importante.

“Il y a tellement de choses qui peuvent être communiquées sans paroles, seulement avec les yeux, avec un sourire.”

C’est l’outil le plus efficace pour créer un sentiment de confiance avec les personnes avec lesquelles tu travailles. C’est pour cette raison que je prends souvent des photos de personnes âgées ou d’enfants car ils sont les plus réceptifs à la communication non-verbale. Les enfants, car ils ont récemment appris le langage ; et les personnes âgées qui sont assez âgées et sages pour ne pas avoir toujours besoin de mots pour communiquer.

Est-ce une source d’inspiration pour ton travail que d’avoir été élevée au sein d’une famille très multiculturelle ?

Je pense que c’est un privilège et une richesse de grandir dans un environnement multiculturel, c’est même presque une obligation.

Depuis toute petite, mes parents m’ont insufflé ce désir de voyager et de découvrir d’autres pays, d’autres cultures. Ils ont toujours voyagé avec leur sac à dos, jamais dans le genre hôtel 5 étoiles. Ma sœur et moi étions toujours les bébés dans le sac à dos.

Y-a-t-il un artiste qui t’inspire ?

La littérature est une grande source d’inspiration pour moi, il y a quelque chose de très imaginaire, un monde où l’on peut s’envoler au-delà de la réalité.

Il y a cet auteur britannique, Lawrence Durell, qui a vécu à Alexandrie et a écrit une série de livres sous le titre The Alexandria Quartet. Le premier roman des quatre, « Justine », est pour moi le plus beau texte de la littérature. Je n’ai jamais lu un livre tant de fois. Ce livre m’accompagne dans tous mes voyages.

Est-ce que tu as des objets que tu prends toujours avec toi en voyage ?

J’ai toujours mon cahier Moleskine avec moi. Je suis arrivée maintenant à mon 28ème. J’écris constamment, je colle des choses comme des billets, des fleurs, un extrait découpé d’un journal, etc. Ça aide à capturer le moment. Tu peux te souvenir d’une journée mais tu peux facilement oublier des détails qui ont rendu ce jour si spécial et particulier.

Qu’est-ce qui traverse ton esprit quand tu penses à l’Iran ?

D’un point de vue linguistique, je trouve que le farsi est l’une des langues les plus poétiques. J’associe en général la poésie avec l’Iran… Et c’est aussi un autre pays que j’aimerais visiter.

Credits:
Toutes les photos par Noavi
Texte: Anahita Vessier
Traduction: Anahita Vessier
http://www.noavi.com

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ROXANA FAZELI, Le Portrait d’Iran

ROXANA FAZELI, Le Portrait d’Iran

Roxana Fazeli est une talentueuse photographe et artiste iranienne qui habite à Téhéran. A travers ses photos, elle observe les facettes multiples de la culture et de la société iranienne. Voici une sélection des photos qu’elle a prises pendant plusieurs voyages au sein de différentes tribus en Iran (Kachkaïs, Turkmènes, Kurdes), des tribus nomades qui ont su préserver leurs traditions et leur ancien mode de vie.

Depuis l’obtention de sa licence en photographie à l’Université Azad de Téhéran, Roxana travaille en tant que photographe documentaire indépendante. Elle collabore avec des journaux et magazines en Iran et à l’étranger.

Tout au long de ses voyages avec les nomades, Roxana a fait connaissance avec des personnes simples mais généreuses, des agriculteurs, des bergers qui l’ont accueillie chaleureusement dans leurs maisons.

Les iraniens, quel que soit leur niveau social, ont la réputation de maîtriser tous par excellence l’art de l’hospitalité.

Credits:
Toutes les photos par Roxana Fazeli
Texte: Anahita Vessier
Traduction: Anahita Vessier
http://roxanafazeli.webs.com/

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Anahita's Eye