CHRISTOPHE CHASSOL, En quête de l’harmonie parfaite

CHRISTOPHE CHASSOL, En quête de l’harmonie parfaite

Christophe Chassol incarne une forme de version moderne de Maestro qui possède ce talent inné pour l’harmonie. Visant de manière perpétuelle à harmoniser la réalité, il fusionne des arrangements uniques entre séquences de films et de musique afin de créer des œuvres multi-sensorielles et puissantes, nommées « ultrascore ».

D’où vient ton amour pour la musique ?

Mon père nous a inscrits, ma sœur et moi, au Conservatoire quand nous avions environ 4 ans.
Il jouait du saxophone dans plusieurs groupes de musique et nous amenait aux répétitions. A la maison, il nous a fait découvrir différents types de musique. Il était un très bon professeur, très pragmatique, et nous répétait qu’il fallait toujours prononcer le nom des notes, presque les réciter, chaque fois que tu joues un morceau.

Lorsque tu étais enfant, est-ce que cela était déjà une évidence pour toi que tu deviendrais musicien ? 

J’ai commencé à jouer du piano quand j’avais 6 ans. Au conservatoire j’ai eu des professeurs formidables, surtout ce vieux professeur de piano, qui avait un air du Magister Ludi du roman « Le Jeu des perles de verre » de Herman Hesse.

Mais j’ai vraiment décidé de devenir un musicien quand j’ai eu 20 ans, après deux ans d’étude de philosophie à l’université. Mes parents n’étaient absolument pas d’accord avec cette décision parce qu’ils voulaient que j’occupe une position plus stable. La déception de mon père fut constructive d’une certaine manière, car elle m’a donné cet envie constante de réussir. Je suis convaincu que j’ai pris la bonne décision, je ne pourrais pas faire un autre travail.

D’où vient ton intérêt pour les films et le concept de les connecter avec tes compositions ?

Cet intérêt particulier provient de ma passion pour la musique et pour le cinéma et de la culture télé pop dans laquelle j’ai grandi. J’adore regarder la télé jusqu’à tard dans la nuit, zapper d’une chaîne à l’autre pour découvrir des films et documentaires incroyables, comme par exemple un magnifique concert d’orchestre à 3h du matin.

Quand j’étais enfant, ma sœur et moi, nous étions des grands fans de West Side Story. Ce film fut une vraie révélation pour moi, il représente une synchronisation parfaite de la musique et de l’image.

Il y a vraiment quelque chose de subtil dans le fait de synchroniser une image sur une musique. La vidéo fait tout d’un coup partie de la musique.

Même si un film bouge, on peut observer de quelle manière les détails sont liés à la musique. Etant donné que je répète le mouvement, il y a une multitude de points de synchronisation différents.

Selon moi, une œuvre musicale s’apparente à la construction d’un édifice, avec toutes les contraintes que cela exige. C’est comme lorsque je veux fusionner une ancienne interview intéressante, et qui a une résonnance particulière pour moi, avec une vieille obsession que j’ai depuis longtemps, par exemple un accord que j’ai enregistré il y a deux ans.

Mais j’aime aussi composer pour d’autres personnes, cela maintient un côté artisanal que j’aime beaucoup.

Quel est pour toi le plus beau son?

Il y a beaucoup de sons que j’aime, il n’y en a pas réellement un que je préfère. John Cage explique

“Un son n’a pas besoin d’être déguisé de manière romantique. On peut aimer les sons tels qu’ils sont.”

En fonction de la situation, je peux aimer différents sons, tels que le son d’un orage dans l’après-midi, ou la pluie sur les tuiles, etc.

Y-a-t-il un artiste, hormis un musicien, qui te fascine et qui t’inspire ?

Hermann Hesse a définitivement inspiré mes réflexions les plus profondes. J’ai commencé avec son roman « Siddhartha » et j’ai été vraiment bouleversé par sa façon d’exprimer les sentiments, les émotions, les idées.

Ensuite j’ai lu « Narcisse et Goldmund » qui m’a énormément touché. Le livre évoque la logique et de la chair, de devenir un artiste pour sculpter le visage de la mère pour que le père soit fier.

Mais ma bible reste « Le Jeu des perles de verre » de Hermann Hesse également, une biographie imaginaire de son héros Josef Knecht, le « Magister Ludi », maître du jeu de perles de verre. Ce roman est merveilleux et une grande inspiration pour mon prochain album.

Xavier Veilhan t’a invité à participer à la Biennale de Venise cette année. Peux-tu m’en dire plus sur cette collaboration ?

L’idée de Xavier Veilhan est de modifier la perception du Pavillon français et de le transformer en un environnement fait de bois et de tissus dans le style du « Merzbau », en mélangeant des volumes entre la sculpture et le décor, contenant une installation qui contient un studio d’enregistrement.

Il a invité plusieurs musiciens à travailler dans ce « Studio Venezia », où le visiteur pourra directement entrer dans ce moment de création, et être ainsi témoin du processus créatif.

Je vais travailler dans ce studio trois ou quatre jours au mois de juillet et je ferai quelques enregistrements.

Qu’est-ce qui te vient à l’esprit quand tu penses à l’Iran ?

Je pense à moi dans les années 80 un matin dans notre salle de bain avant d’aller à l’école. Ma mère était déjà réveillée. Je me rappelle du jingle des informations à la radio et l’annonce de la guerre entre l’Iran et l’Irak.

Découvrez la trilogie d’ultrascores de Christophe Chassol:

Nola Cherie “Easton” (extrait de Nola Cheri):  http://youtu.be/_2x76-6BI_Q

Indiamore (version intégrale): http://youtu.be/X0euvHEnSw8

Big Sun “Reich & Darwin” (extrait de Big Sun): http://youtu.be/wdYkTb_gSWA/

Credits:
– Portrait de Christophe Chassol par Laurent Bochet
– Photo de profile de Christophe Chassol par Flavien Prioreau
– Photo “Main” et photo “Chat” par Flavien Prioreau
– Couverture d’album “Ultrascore II” by Flavien Prioreau
– Couverture d’album “Indiamore” et “Big Sun” © Tricatel
Texte: Anahita Vessier
http://www.chassol.fr/

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SILIA KA TUNG, La fantaisie est la réalité du monde intérieur

SILIA KA TUNG, La fantaisie est la réalité du monde intérieur

Silia Ka Tung est une artiste contemporaine chinoise basée à Londres. Son travail est un ballet psychédélique de formes organiques dans des couleurs saturées qui dansent ensemble avec des créatures mystérieuses rappelant la mythologie ancienne. Le mélange de ce paysage de rêve et l’influence de la culture et de la tradition chinoises rendent l’art de Silia Ka Tung hypnotisant et unique.

Qu’est-ce qui t’as décidé à devenir artiste ?

Mon grand-père du côté de ma mère était un peintre connu de l’art chinois traditionnel, donc c’était dans la famille.

Initialement je voulais être un designer. Mais lorsque je suis allée après le lycée à l’entretien à l’école de design, ils m’ont conseillé de faire plutôt les beaux-arts dans le cas où me parents me soutenaient. Ce fut la première fois que j’y ai vraiment pensé.

Tu as étudié la peinture à l’huile à Hang Zhou à l’Académie des beaux-arts de Chine et ensuite à Londres et en terminant tes études par un master à l’école d’art renommé Slade School of Fine Arts. La méthode d’enseignement en Chine est-elle différente de celle de l’Angleterre ?

Après avoir accepté au Bachelor Degree au Chelsea College of Art à Londres, j’ai fait une année aux beaux-arts en Chine car mon père pensait que j’avais besoin d’apprendre d’abord un peu de culture chinoise. C’est pour cette raison que j’ai suivi une classe préparatoire avant de partir à Londres pour faire ma licence.

“La méthode d’éducation artistique en Chine est complètement différente à la méthode anglaise. En Chine, je faisais du dessin d’après la vie de tous les jours et l’enseignement était très académique. On fait tout en groupe, le professeur vient te voir, corrige tes erreurs et te dit ce qu’il faut faire.”

L’école d’Art à Londres était libre et fun. L’enseignement était très décontracté et inspirant mais la plupart du temps on était laissé à nous-mêmes.

Il y a une réelle évolution dans ton travail. Ton travail antérieur consistait principalement en des dessins au trait en noir et blanc. Ensuite les lignes figuratives se sont dissoutes et sont devenues un beau ballet de formes abstraites et colorées de micro-organismes couvrant plusieurs toiles. 

Dans ton travail plus récent, tu as changé de la peinture à l’expérimentation avec des matières en créant notamment des sculptures avec des matières douces d’animaux fantastiques et de formes organiques tels des branches d’arbre. Pourquoi ce changement ?

“Dessiner ou gribouiller a toujours fait partie de ma vie… Je le fais automatiquement dès que j’ai un stylo dans la main.”

Pour mon exposition de fin d’année au Chelsea College j’ai décidé de passer d’une petite idée de dessin à quelque chose de beaucoup plus grand et j’ai continué ces portraits d’une grandeur nature remplie de gribouillages jusqu’à ma dernière année de master au Slade College. Après j’ai eu envie d’essayer autre chose. Je voulais faire de la « peinture de jeux », des peintures colorées, appliquer de la peinture saturée directement sur la toile, comme des dessins automatiques.

Pour moi peindre est comme un jeu avec ce côté hasard et fun et j’ai toujours peint en dehors du bord. Mais lentement j’étais attirée par la peinture sur des objets et j’ai donc commencé à faire des sculptures douces et moelleuses et à peindre par-dessus. C’est l’étape dans laquelle je me trouve en ce moment.

La maternité a-t-elle changé ton travail, tes inspirations ?

La maternité est difficile pour moi en tant qu’artiste car ça change tes priorités et ton équilibre de vie. Autant, j’adore être avec mes deux filles; autant je me bats dans mon existence en tant qu’artiste. Mais le temps aide et lentement, je regagne l’équilibre et j’espère qu’être mère a aussi un impact positif sur mon travail.

Y-a-il une phrase ou un proverbe qui inspire ton travail ?

“Tout notre monde d’intérieur est la réalité, et peut-être plus que notre monde apparent.”

Marc Chagall

Lorsque tu travailles sur une nouvelle œuvre d’art, est-ce que tu montres le travail en cours à ton mari Gideon Rubin, qui est aussi artiste, ou est-ce que tu préfères garder ta bulle créative pour toi ?

Nous travaillons dans le même studio, donc il nous arrive souvent de nous montrer les œuvres sur lesquels nous sommes en train de travailler, surtout quand mon travail prend beaucoup de temps pour être terminé. Je lui montre principalement quand j’ai besoin de son avis, peu importe si la pièce est finie ou non.

Travailles-tu sur une nouvelle exposition?

Je suis en train de finir quelques pièces pour une exposition que je partage avec deux autres artistes à Amsterdam intitulée « Père, mère, fille, fils », et organisée par Mette Samkalden au Canvas Contemporary. L’exposition commence le 14 janvier 2017 et se termine mi-février.

Qu’est-ce qui te vient à l’esprit quand tu penses à l’Iran ?

Je n’ai jamais été en Iran, donc tous les références que j’ai viennent de mes amis, des films, des médias, d’Instagram. J’ai hashtaggé « Iran » plusieurs fois sur Instagram et j’ai découvert des choses très étranges. C’est un grand pays riche d’histoire et de culture, beau et mystérieux. J’adorerais le visiter un jour.

Credits:
L’ensemble des oeuvres par Silia Ka Tung
Texte: Anahita Vessier
Traduction: Anahita Vessier
http://www.siliakatung.com/

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MASOUD GHARAEI, Poésie urbaine en noir et blanc

MASOUD GHARAEI, Poésie urbaine en noir et blanc

Masoud Gharaei est un jeune photographe iranien de Téhéran qui trouve principalement ses inspirations dans l’environnement urbain de la vie de tous les jours en observant les gens et leur comportement dans un contexte citadin. Son travail évoque une sorte de poésie visuelle de la rue et de la vie en Iran. Il adore marcher dans les rues avec son appareil photo pour capturer sa vision de la ville et de ses habitants.

“Parfois je montre à des gens que je ne connais pas la photo que j’ai prise d’eux. Ils sont très surpris et enthousiastes ce qui m’encourage à continuer.”

Masoud Gharaei est né en 1988 à Behshar dans le nord de l’Iran. Il a fait un master en management industriel à l’Université Azadi à Téhéran.

Credits:
Toutes les photos par Masoud Gharaei
Texte: Anahita Vessier
Traduction: Anahita Vessier
https://www.instagram.com/masoud__gharaei/

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NOAVI, L’art ultime de voyager

NOAVI, L’art ultime de voyager

Ma première rencontre avec Noavi fut à travers ses photos et j’ai été immédiatement séduite par sa vision, la sincérité et la spontanéité de son travail. Née et élevée à Los Angeles, avec des origines Yemenite et Polonaise, elle est un beau mélange de ces deux cultures et possède une incroyable énergie et une curiosité débordante.

Passionnée par la culture des Bédouins, elle voyage d’Abu Dhabi à l’Arctique pour étudier la culture des Sámis, des hauteurs époustouflantes des montagnes au Yémen aux abords du Nil jusqu’au territoire de Nubiens, toujours équipée de son appareil photo et de son cahier Moleskine dans son sac pour capturer ses expériences uniques de voyages partout dans le monde.

Tu voyages beaucoup dans les pays du Moyen Orient, comment as-tu réussi à prendre des photos en tant que femme dans ces pays principalement musulmans et avec une forte dominance masculine ?

C’est difficile, que ce soit pour une femme ou pour un homme, de photographier des femmes dans des pays musulmans parce qu’elles sont en général plutôt fermées à l’idée d’être prises en photos. Prendre des photos des hommes est plus facile. C’est une culture tellement conservatrice que ça prend énormément de temps de créer une atmosphère de confiance pour prendre en photos les femmes dans les pays arabes.

Comment parviens-tu à créer cette atmosphère de confiance pour que des personnes que tu ne connais pas se sentent à l’aise devant l’appareil ?

La communication non-verbale est la chose la plus importante.

“Il y a tellement de choses qui peuvent être communiquées sans paroles, seulement avec les yeux, avec un sourire.”

C’est l’outil le plus efficace pour créer un sentiment de confiance avec les personnes avec lesquelles tu travailles. C’est pour cette raison que je prends souvent des photos de personnes âgées ou d’enfants car ils sont les plus réceptifs à la communication non-verbale. Les enfants, car ils ont récemment appris le langage ; et les personnes âgées qui sont assez âgées et sages pour ne pas avoir toujours besoin de mots pour communiquer.

Est-ce une source d’inspiration pour ton travail que d’avoir été élevée au sein d’une famille très multiculturelle ?

Je pense que c’est un privilège et une richesse de grandir dans un environnement multiculturel, c’est même presque une obligation.

Depuis toute petite, mes parents m’ont insufflé ce désir de voyager et de découvrir d’autres pays, d’autres cultures. Ils ont toujours voyagé avec leur sac à dos, jamais dans le genre hôtel 5 étoiles. Ma sœur et moi étions toujours les bébés dans le sac à dos.

Y-a-t-il un artiste qui t’inspire ?

La littérature est une grande source d’inspiration pour moi, il y a quelque chose de très imaginaire, un monde où l’on peut s’envoler au-delà de la réalité.

Il y a cet auteur britannique, Lawrence Durell, qui a vécu à Alexandrie et a écrit une série de livres sous le titre The Alexandria Quartet. Le premier roman des quatre, « Justine », est pour moi le plus beau texte de la littérature. Je n’ai jamais lu un livre tant de fois. Ce livre m’accompagne dans tous mes voyages.

Est-ce que tu as des objets que tu prends toujours avec toi en voyage ?

J’ai toujours mon cahier Moleskine avec moi. Je suis arrivée maintenant à mon 28ème. J’écris constamment, je colle des choses comme des billets, des fleurs, un extrait découpé d’un journal, etc. Ça aide à capturer le moment. Tu peux te souvenir d’une journée mais tu peux facilement oublier des détails qui ont rendu ce jour si spécial et particulier.

Qu’est-ce qui traverse ton esprit quand tu penses à l’Iran ?

D’un point de vue linguistique, je trouve que le farsi est l’une des langues les plus poétiques. J’associe en général la poésie avec l’Iran… Et c’est aussi un autre pays que j’aimerais visiter.

Credits:
Toutes les photos par Noavi
Texte: Anahita Vessier
Traduction: Anahita Vessier
http://www.noavi.com

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ROXANA FAZELI, Le Portrait d’Iran

ROXANA FAZELI, Le Portrait d’Iran

Roxana Fazeli est une talentueuse photographe et artiste iranienne qui habite à Téhéran. A travers ses photos, elle observe les facettes multiples de la culture et de la société iranienne. Voici une sélection des photos qu’elle a prises pendant plusieurs voyages au sein de différentes tribus en Iran (Kachkaïs, Turkmènes, Kurdes), des tribus nomades qui ont su préserver leurs traditions et leur ancien mode de vie.

Depuis l’obtention de sa licence en photographie à l’Université Azad de Téhéran, Roxana travaille en tant que photographe documentaire indépendante. Elle collabore avec des journaux et magazines en Iran et à l’étranger.

Tout au long de ses voyages avec les nomades, Roxana a fait connaissance avec des personnes simples mais généreuses, des agriculteurs, des bergers qui l’ont accueillie chaleureusement dans leurs maisons.

Les iraniens, quel que soit leur niveau social, ont la réputation de maîtriser tous par excellence l’art de l’hospitalité.

Credits:
Toutes les photos par Roxana Fazeli
Texte: Anahita Vessier
Traduction: Anahita Vessier
http://roxanafazeli.webs.com/

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SLAVS AND TATARS, Une nouvelle vision de l’art Eurasien  

SLAVS AND TATARS, Une nouvelle vision de l’art Eurasien

Slavs and Tatars est un collectif fondé par Kasia et Payam, un duo irano-polonais, qui concentre son travail à un territoire qui se trouve à l’est de l’ancien mur de Berlin et à l’ouest de la grande muraille de Chine. Anahita’s Eye suit leur travail depuis longtemps et a eu l’occasion de faire cet interview pendant qu’ils préparaient leur exposition « After Pasteur » à New York à la Tanya Bonakdar Galerie.

Pourquoi le nom « Slavs and Tatars » (Slaves et Tatares)? Et pourquoi cette dévotion à ce territoire comme vous le décrivez « à l’est de l’ancien mur de Berlin et à l’ouest de la grande muraille de Chine » ?

 

Habituellement, on a tendance à choisir un nom pour ce que l’on souhaite représenter ou ce que l’on prétend être. Nous avons choisi le nom « Slavs and Tatars » pour la raison contraire, c’est-à-dire pour ce que nous ne sommes pas. Notre nom est une sorte d’énoncé de mission : se consacrer à une géographie aussi imaginaire que politique, et à une région qui tombe à travers les fissures de nos sols amnésiques.

“C’est une région largement musulmane mais qui n’est pas le Moyen Orient, largement russophone mais qui n’est pas la Russie, et même si largement situé en Asie, seulement une petite partie (Xinjiang) fut historiquement sous la gouvernance de la Chine .

Il y a aussi une forme de l’humour dans ce nom. Nous avons fondé Slavs and Tatars en 2006, quelques temps après que l’entrée de nouveaux États membres dans la Communauté Européenne. Si tu te souviens, il y avait pas mal de préjugés, voire même une hystérie, sur cette « autre » Europe, à savoir les pays d’Europe de l’Est qui rejoignait ce que les Européens avaient imaginé jusque-là comme un club exclusif. Il y avait ce tristement célèbre plombier polonais, le maçon bulgare, etc. Le nom Slavs and Tatars joue clairement avec cette peur – à la fois dans un sens contemporain et historique – comme s’il avait des hordes qui attendaient de violer et de piller à la Braveheart.

Notre nom – Slavs and Tatars – n’est pas une identité, au contraire, il marque l’effondrement d’une identité. Même entre ces deux mots « Slavs » et « Tatars », il y a toute une histoire de confluence et tension. C’est seulement en accumulant plusieurs identités – et en négociant les tensions entre elles – qu’on peut commencer à dépasser l’identité réductrice et la fragile identité politique qui continue de nous tourmenter.

Est-ce que vous pouvez expliquer votre processus créatif ? Quelles sont vos inspirations ? Pour quelle(s) raison(s) avez-vous finalement choisi la sculpture / l’art de l’objet comme moyen d’expression principal ?

Sculptures, installations and exhibitions are only one of our three activities and by no means the main one, alongside publications and lecture performances.

Les sculptures, installations et expositions représente seulement l’une de nos trois activités et en aucun cas la principale, avec les publications et les lecture-performances.

Nous présentons actuellement 2 à 3 lecture-performances par mois dans des endroits différents : des universités aux institutions d’art. Nous travaillons sur un cycle de 3 ans. Les 2 premières années sont dédiées aux recherches sur un thème précis de réflexion : dans un premier temps, la recherche bibliographique, par exemple, sur les règles du langage turcique ou sur la tradition médiévale de la littérature de conseil, forme de traité politique appelée «  miroir au prince », suivi par les recherches sur place, par exemple à Xinjiang pour faire l’expérience plus affective des idée que nous avons exploré d’une manière plus analytique. Ensuite la question cruciale se pose:

“Qu’est-ce que nous apportons en tant qu’artistes et qui différencie notre travail des autres, des décideurs politiques, savants, activistes, … ?

La traduction ou transformation de cette recherche en une pièce d’art est probablement la plus difficile. Au début, nous avons travaillé exclusivement le print : si quelqu’un s’intéressait à notre travail, il était obligé de lire. Il y a peu de choses moins plaisantes, moins cordiales au public que de mettre sur le mur des choses à lire. Même si cette façon de présentation devient plus commune – incluant sculpture, installation, lecture performance – il n’y avait plus aucune attractivité pour nous de présenter sur les murs. Si nous vivons dans une saturation visuelle, nous faisons partie des (nombreux) coupables!

Parmi les trois axes de notre méthode, la lecture et les publications atteignent leur limite que la sculpture, l’installation, l’objet d’art avec un « A » majuscule peuvent dépasser. Ça ne veut pas dire rester silencieux : plutôt de défaire, démêler ces idées, comme un fil lâche sortant d’un pull.

Est-ce que vous avez une citation qui vous inspire ?

“Quitte ce monde. Quitte le prochain. Et quitte de quitter.”

Thomas Merton

Est-ce que chacun de vous deux a un rôle défini chez « Slavs and Tatars » ?

Oui, mais nous nous corrigeons rigoureusement.

Dans beaucoup de vos installations vous invitez les spectateurs à y intervenir, à le toucher, à s’assoir ou s’allonger dessus, à mener des discussion en étant assis dessus. Est-ce que cette confrontation directe et cette expérience personnelle que les spectateurs peuvent vivre avec vos œuvres représentent une partie importante dans votre concept artistique ?

Absolument. Il s’agit également d’un engagement à l’idée de contemplation dans des espaces dédiés à la culture. Très souvent le seul endroit pour s’assoir dans un musée est au café ou sur l’un des rares bancs en face un chef-d’œuvre. Si l’art a le rôle de transformer et pas seulement un rôle éducatif ou divertissant, l’endroit de son activation doit être également plus accueillant.

Slavs and Tatars parle plusieurs langues, le farsi, le polonais, l’anglais, le français, le russe etc. La langue et la complexité linguistique sont un sujet très important dans votre travail. D’où vient cette passion pour les langues?

La traduction devient une sorte d’accueil linguistique, a dit Paul Ricoeur. On invite l’Autre dans notre langue et l’expropriation de soi-même dans la langue de l’Autre. Notre personnalité varie dans chaque langue : notre sens de l’humour en français n’est pas du tout le même que celui en russe ou en persan, etc.

“La langue te permet d’être un ‘autre’ toi.”

Est-ce que l’humour est un ingrédient essentiel dans votre œuvre ?

Absolument, il a toujours joué un rôle très important dans notre travail. Comme une façon désarmante de critiquer, comme une extension de générosité, comme une indication d’infra-politique, comme défini par James Scott : the hidden transcrit, the whispered stories.

“Chaque blague est une petite révolution.”

disait Orwell, au lieu des méthodes plus conflictuelles, explicitement visibles des manifestations, des médias ou de l’Etat.

Quel sont projet à venir?

Nous nous sommes en train de préparer notre première exposition avec notre galerie à New York, Tanya Bonakdar, sur la politique du cornichon, ou la reconsidération de notre relation avec l’Autre, par notre relation avec l’étranger d’origine : le microbe et les bactéries. Nous travaillons également sur une rétrospective à mi-carrière entre Varsovie, Vilnius et peut-être Istanbul sur la période 2017-2018.

Vous menez une vie très cosmopolite, votre travail est présenté dans des foires de l’art et dans des expositions partout autour du monde. Y a-t-il un objet en particulier que vous amenez avec vous dans vos voyages ?

Nous essayons de voyager si possible avec des herbes fraîches – de l’estragon et quelques branches de coriandre – pour calmer le ballonnement sur la route dans les trains, dans les avions, dans la voiture.

Slavs and Tatars, qu’est-ce qui vous vient à l’esprit quand vous pensez à l’Iran ?

Des mûres

Credits:
L’ensemble des oeuvres par Slavs and Tatars
– Kitab Kebab, 2016 – continu
– Friendship of Nations: Polish Shi’ite Showbiz, publié par Book Works / Sharjah Art Foundation
– Mother Tongues and Father Throats, Moravian Galerie, Brin (2012)
– Dig the Booty (2009)
– Pray Way (2012)
– Installation au Trondheim Kunstmuseum
– gauche: Larry nixed, Trachea trixed (2015) droite: Tongue Twist Her (2013)
– Lektor, installation de son, Leipzig (2014-15)
– AÂ AÂ AÂ UR, parc de sculptures Cologne (2015)
Texte: Anahita Vessier
Traduction: Anahita Vessier
http://www.slavsandtatars.com

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IRACEMA TREVISAN, L’essence brésilienne du chic

IRACEMA TREVISAN, L’essence brésilienne du chic

Pour moi, Ira, est une personne qui a une sensibilité incroyable pour le style et le chic : la façon dont elle mélange les couleurs, les accessoires, les imprimés ; la façon dont elle porte ses propres créations de sa marque Heart Heart Heart. Ce chic un peu décalé, ses origines brésiliennes, sa vie à Paris et sa carrière en tant que bassiste du groupe brésilien de musique indie Cansei de Ser Sexy rend son style unique, personnel et intriguant.

Tes foulards sont tous fabriqués en édition limitée et numérotés, presque comme des œuvres d’art.
Pourquoi as-tu choisi le foulard comme pièce principale ?

Pendant mes études j’ai développé une passion pour l’impression textile et la pièce la plus facile à porter est un foulard.

Je ne veux pas donner une date précise à mes créations, c’est pour cette raison que j’ai remplacé les collections par des séries. Un foulard est une pièce qui se ne démode jamais, que tu gardes toute ta vie et que tu peux porter de différentes manières.

D’où viennent tes inspirations pour tes imprimés ?

La nature. La relation entre la nature et l’homme.

“Je suis inspirée par la nature, les arbres, les animaux, les insectes, et puis je combine ces éléments naturels avec quelque chose de contre nature, artificiel, quelque chose qui n’a pas de raison d’être là.”

Quels sont les artistes dont les œuvres t’inspirent ?

J’adore l’art conceptuel, spécialement des femmes artistes comme Agnes Martin et Jay De Feo. Ce n’est pas nécessairement une œuvre en particulier ou une esthétique mais plutôt le geste artistique, le chemin créatif qui a amené au résultat final.

Est-ce que tu envisages de créer d’autres pièces que des foulards pour Heart Heart Heart ?

Oui, toujours ! Je me tourne naturellement vers la création de bijoux, mais il y a beaucoup d’autres possibilités.

A propos de ta récente collaboration avec l’artiste américaine Miranda July, comment s’est passé ce projet ?

C’est un projet que j’avais envie de faire depuis très longtemps. Miranda est tout d’abord une amie mais elle est également l’une des artistes contemporaines les plus marquantes.

“J’ai toujours l’intention d’apporter quelque chose de plus au design, quelque chose qui raconte un histoire.”

Pourquoi est-ce que tu as choisi Heart Heart Heart comme nom de ta marque ?

Pour l’image que ça évoque dans la tête, mais aussi pour les mots qui se cachent dedans, « heart » (cœur), « earth » (terre), « art » (art).

Ecoutes-tu de la musique lorsque tu travailles ? Quel type de musique as-tu écouté pour la dernière collection ?

J’écoute du rap et du hip-hop tout le temps. Selon moi, c’est là que l’on trouve aujourd’hui l’énergie et l’innovation. J’écoute du rock de temps en temps mais récemment les références du passé qu’on y trouve m’ennuient assez… tout comme a tendance à le faire la mode parfois.

Tu étais la bassiste du groupe indie brésilien Cansei de Ser Sexy. Pourquoi es-tu passé la musique à la mode ?

J’adorais déjà la mode avant même de faire de la musique. J’ai travaillé en tant que créatrice de mode pour Alexandre Herchcovitch. Je faisais de la musique le weekend. Cansei de Ser Sexy existait depuis 2003. C’était une super période et une expérience exceptionnelle. Au début, nous étions très spontanés. Mais lorsque nous avons commencé à travailler sur le 2ème album il n’y avait plus cette magie, cette spontanéité. C’est à ce moment-là que j’ai quitté le groupe et décidé de partir à Paris pour faire un master à l’IFM.

Même si tu as quitté la musique, tu collabores encore parfois sur des projets de musique, comme par exemple sur la pochette du dernier album « Contrepoint » de Nicolas Godin. Comment s’est passée la collaboration avec Nicolas, qui est également ton conjoint ? Qu’est-ce qui t’a inspiré pour cette pochette d’album ? 

Nicolas et moi, nous avons eu l’idée ensemble. Une très bonne amie à nous qui est photographe a pris la photo pour la couverture et j’ai ajouté le trait de pinceau par-dessus.

Et pourquoi des lèvres ?

L’album est très sexy et a quelque chose de très sensuel. Je voulais refléter cette sensualité de la musique à travers la pochette de l’album.

Etant d’origine brésilienne et habitant maintenant à Paris, qu’aimes-tu de Paris et du style parisien ? Qu’est-ce qui te manque du Brésil ? Et comment combines-tu les deux cultures dans ta vie quotidienne et dans ton travail ? Y-a-t-il une tradition ou une habitude typiquement brésilienne que tu préserves dans ta vie parisienne ?

Haha! Est-ce que le fait d’arriver en retard compte ? … Le Brésil est vraiment facile à vivre et décontracté, ce qui est très bien mais peut être en même temps une malédiction parce qu’il est très difficile de faire du bon travail, ou même de travailler tout court parfois.

J’aime la manière dont les français prennent le style très au sérieux, c’est une façon de vivre et un de leurs plus grands talents qu’ils exportent partout dans le monde.
J’essaie de rendre les choses très nonchalantes et légères autour de moi, en pensant au soleil chez moi au Brésil. Peut-être qu’on peut appeler ça une contribution. Les Brésiliens ont une approche plus libre de la mode et du style. Nous n’avons pas beaucoup de références du passé sur lesquelles nous pouvons prendre exemple, donc les gens se sentent libre d’inventer leur propre histoire.

Y a-t-il un objet très important pour toi que tu as emmené dans ton déménagement de Sao Paolo à Paris ?

J’ai apporté une très belle et vielle édition du roman « Iracema » avec moi. Je dois mon nom au titre de ce livre.

Qu’est-ce qui traverse ton esprit quand tu penses à l’Iran ?

L’empire perse, le cours d’histoire, mais aussi le design perse qui est si raffiné et beau, tout comme les femmes en Iran.

Credits:
Portrait d’Iracema par Christophe Roué
Toutes les autres photos des foulards “Heart Heart Heart” par Iracema Trevisan
Concept de l’album “Contrepoint ” de Nicolas Godin par Iracema Trevisan
Texte: Anahita Vessier
Traduction: Anahita Vessier
http://www.heartheartheart.com

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YARED ZELEKE, La beauté d’Ethiopie

YARED ZELEKE, La beauté d’Ethiopie

Avant de rencontrer Yared Zeleke, j’ai vu son film « Lamb » et j’ai été impressionnée par la beauté de ce film et par le talent de ce jeune réalisateur éthiopien. Quand j’ai ensuite rencontré Yared, j’ai été immédiatement séduite par sa gentillesse, son ouverture d’esprit, son humour et par son amour pour l’Ethiopie.

Qu’est-ce qui t’a poussé à devenir réalisateur ?

J’ai grandi avec les histoires de ma grand-mère. Elle était excellente narratrice et elle était connue dans la communauté pour ses histoires et c’est très certainement là que vient l’origine de mon premier intérêt pour le cinéma. Plus tard, quand j’ai grandi, j’aimais lire et écrire. J’adore écrire et réaliser, j’aime vraiment les deux.

Pourquoi as-tu eu envie de réaliser un film sur l’Ethiopie ? 

J’ai grandi aux Etats-Unis à partir de l’âge de 10 ans et les gens me disaient que je venais du désert. Il n’y a rien de mal avec le désert en soi mais le désert symbolise le vide et donc ça veut dire que je viens du néant. C’est l’une des nombreuses raisons pour lesquelles j’ai choisi de faire mon premier film en Ethiopie.

“J’ai voulu montrer la beauté de ce pays qui est complètement l’opposé d’un désert, c’est très vert et montagneux au lieu d’être plat et sec.”

Est-ce qu’il s’agit d’une autobiographie ?

Le film traite le sujet d’un enfant qui fait face à la perte, ce qui m’est exactement arrivé à moi. Malgré la famine et la situation politique très difficile (dictature, guerre), j’ai eu une enfance très heureuse, aimé et soutenu par ma famille et ma communauté.

Même si le sujet fondamental est mon histoire, le monde dans lequel se déroule le film n’est absolument pas le monde dans lequel j’ai grandi. J’ai grandi dans une ville (Addis Abeba), je n’ai jamais eu d’animal domestique, je n’aime pas faire la cuisine. Donc beaucoup d’éléments du film viennent aussi de mon imagination ce qui est important quand tu racontes une histoire.

Les acteurs dans ton film ne sont pas des acteurs professionnels. Comment les as-tu trouvés ? N’était-ce pas difficile de réaliser un film avec des acteurs non professionnels ?

En l’espace 6 mois, nous avons auditionné 7000 personnes, dont la moitié était des enfants des écoles publiques, la plupart venait de la ville, et d’autres des villages où nous avons filmé. Quand nous avons trouvé Redit Amare, il était difficile de convaincre ses parents et obtenir leur permission pour qu’il puisse jouer dans le film. Il fallait d’abord gagner la confiance. C’est un enfant pauvre des bidonvilles qui est très talentueux. Cependant il nous a fallu 4 ou 5 essais avant que nous soyons sûrs qu’il était le bon acteur pour le rôle principal car cela demande beaucoup de choses : est-il capable d’être ouvert, d’écouter, de faire confiance, de rire, de pleurer ?

Quelques acteurs étaient des acteurs du théâtre. C’est pour cette raison qu’il a fallu leur apprendre comment jouer devant une caméra.

Et l’agneau ?

Il fallait trouver des agneaux qui n’avaient pas de lien entre eux. Et puis nous les avons dressés pendant quelques mois un par un avec Rediat, le garçon, pour créer un lien avec chaque agneau.

Nous avons toujours eu 5 agneaux pendant tout le temps du tournage, à 4000m altitude ou dans la forêt. Mais finalement, tout au long du film on voit toujours le même agneau car finalement il a tout fait.

Comment ont réagi les gens du village quand vous avez filmé ?

Ce sont des éthiopiens qui vivent dans les montagnes et qui n’ont même pas d’électricité.

“Donc nous paraissions sans doute comme des extraterrestres avec des instruments étranges qui font des drôles d’expériences.”

Au début, les gens étaient prudents et réservés à la manière éthiopienne, et toujours avec un sourire, mais à la fin nous avons pu gagner leur confiance et à partir de cet instant là c’était juste magnifique. Ils étaient au bord des larmes le jour où nous sommes partis. Il y a une telle gentillesse chez ses gens-là.

Cependant ce n’était pas toujours facile de faire ce film car le gouvernement avait des doutes, les gens avaient des doutes à cause de la mauvaise image de l’Ethiopie dans les médias. Pour les scènes religieuses, il a fallu demander la permission à l’église orthodoxe d’Ethiopie. Il y avait des conditions très fragiles pour la réalisation de ce film et il y eu plusieurs moments où nous aurions pu échouer.

« Lamb » fut le premier film éthiopien présenté au Festival de Cannes en 2015, projeté dans le programme « Un Certain Regard » du festival. Comment était le sentiment de présenter ton film à Cannes ? Les acteurs du film étaient-ils avec toi ?

C’était tellement énorme que je n’ai presque pas pu en profiter ; c’était très intense. Mais ça ne veut pas dire que je n’ai pas pu du tout m’en réjouir, c’est juste comme un tsunami qui te frappe !

“Tous les acteurs principaux sont venus avec moi à Cannes. C’était d’ailleurs la première fois qu’ils étaient en dehors de leur pays. Imagine leur seule impression de l’Occident !”

Pour la musique du film, tu as collaboré avec Christophe Chassol. Comment s’est passée cette collaboration ? Lui as-tu donné carte blanche ou avait-il déjà une idée précise pour la musique ?

Pour la bande son du film, j’ai choisi de ne pas utiliser la musique éthiopienne car je ne voulais pas faire un film folklorique. Même si le film se déroule dans un village éthiopien typique et traditionnel, j’ai un regard contemporain en tant que réalisateur. Par conséquent, certains éléments artistiques de ce film avaient besoin d’être modernes. Qui pouvait être meilleur pour la bande son que Christophe Chassol ?

J’ai eu la chance de découvrir le travail de Chassol par Jorge Fernandez, le directeur artistique de Lamb. Quand j’ai écouté sa musique pour la première fois, j’ai su immédiatement que je devais le choisir pour la musique du film. Et quand nous nous sommes mis à travailler ensemble, c’était fantastique. Il y avait une confiance totale. Il était très à l’écoute de l’histoire, des personnages et de moi aussi. C’était une combinaison de carte blanche et de collaboration.

Etant originaire d’Ethiopie, aujourd’hui entre New York et Paris, comment est-ce que tu gardes l’Ethiopie avec toi ?

La ville de New York où j’ai fait mes études m’a beaucoup impressionnée ; je suis retourné à Addis Abeba où vit la plupart de ma famille il y a trois ans, et maintenant j’ai adopté Paris. Mais quand j’ai le mal du pays, je vais manger dans un restaurent éthiopien.

Ecouter de la musique éthiopienne m’aide aussi à garder l’Ethiopie avec moi. Cela me reconnecte et m’inspire. J’adore les vieilles chansons éthiopiennes mais aussi la musique contemporaine du pays.

Une autre chose que j’adore de l’Ethiopie sont les châles traditionnels qu’on peut voir dans mon film, beaucoup sont tissée à la main. J’en ai toujours un avec moi quand je voyage. Ils sont tellement beaux. Il y a aussi un objet très important pour moi que j’ai acheté en Ethiopie, c’est une croix orthodoxe. Je la porte tout le temps avec moi, c’est mon porte bonheur.

Qu’est-ce qui te vient à l’esprit quand tu penses à l’Iran ?

Je pense aux films de Kiarostami, aux films de la partie kurde de l’Iran comme « Les tortues volent aussi », au « La Couleur du paradis » de Madjid Madjidi. C’est tellement beau d’entendre la langue Farsi quand je regarde ces films.

Je pense aussi au poète Rumi que j’aime beaucoup lire.

Credits:
Photos par Ama Ampadu (Slum Kid Films)
Texte: Anahita Vessier
Traduction: Anahita Vessier
http://.filmsdistribution.com/Film.aspx?ID=11744

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ANAHITA, Divinité persane

ANAHITA, Divinité persane

Anahita est l’ancienne déesse persane de l’eau, de la fertilité, la patronne des femmes mais aussi la déesse de la guerre. Elle est associée à la planète Venus et fut vénérée pendant plusieurs siècles dans l’Empire perse.

Vêtue de vêtements dorés, ornée de bijoux et d’une tiare en diamant ou représentée entourée d’un halo lumineux, Anahita, dont le nom signifie  « l’Immaculée », porte aussi le nom « La mère dorée ».
Credits:
Toutes les  photos par Romain Guillon
Mannequins: Roxane Lagache, Florinda Harvey
Maquillage: Carole Hannah
Texte: Anahita Vessier
Traduction: Anahita Vessier

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