ÀCHEVAL PAMPA, Les amazones du style

ÀCHEVAL PAMPA, Les amazones du style

En partant des souvenirs d’enfance qu’elle a passée sur les chevaux dans les Pampas, la styliste argentine Sofia Achaval de Montaigu rend hommage aux cavaliers de cette immense étendue de terre, en créant avec son amie et associée Lucila Sperber la marque de lifestyle Àcheval Pampa.

Avec ses longs cheveux blonds, vêtue d’un de ces fameux bombachas, pantalon de gaucho devenu la pièce clé du label, et de ce chapeau noir, Sofia dégage un exotisme intriguant, une élégance naturelle et une allure poétique. Elle ressemble à une amazone urbaine qui représente parfaitement bien l’esprit du label.

Depuis son lancement au Ritz à Paris l’année dernière, Àcheval Pampa est un véritable succès, séduit les It-girls du moment de Paris à Buenos Aires et promeut avec beaucoup de chic et de sophistication, la beauté de la Pampa et son savoir-faire unique.

Derrière le label Àcheval Pampa, il y a toi et Lucila Sperber. Comment est venue l’idée de créer cette marque ensemble, inspirée des gauchos des Pampas ? 

C’était mon rêve de créer une marque inspirée des gauchos. J’ai grandi à Buenos Aires mais toutes les vacances ou les weekend, je les ai passé dans les Pampas ou ma famille à des terres.

Donc pendant toute mon enfance j’ai grandi avec les chevaux dans cette immense étendue de prairies habillée comme un gaucho.

Quand j’ai fait ensuite mes études de stylisme à Paris au Studio Berçot, j’ai porté souvent les bombachas, ce pantalon de gaucho, des bottes de cavalières ou des ponchos. Ce style qui était très naturel pour moi a fasciné mes amis qui voulaient toujours savoir ou je les avais acheté.

J’ai rencontré Lucila des années plus tard en tant que styliste pendant un shooting pour Rochas, car elle dirige cette marque en Amérique du Sud.
C’est là ou notre idée est née de créer ensemble une marque inspirée des tenues des gauchos. 

Qu’est-ce qui vous fascine exactement dans ce style de gauchos et dans les Pampas, cette vaste région entre l’Uruguay, l’Argentine et le sud de Brésil ?

L’écrivain argentin Jorge Luis Borges disait

« La Pampa est un vertige horizontal ».

J’adore cette citation, que nous avons d’ailleurs brodée sur nos chemises,  car elle décrit parfaitement la sensation qu’on ressent sous le soleil et ces kilomètres de terre devant soi sans rien ni personne.

La tenue des gauchos avec leurs chapeaux, leurs pantalons, leurs ponchos et leurs bottes en cuir ont énormément d’allure et de chic.

Avec Àcheval Pampa nous avons voulu extraire cette élégance, cette allure noble et indémodable de ce vestiaire masculin et le rendre féminin en ajoutant de la sophistication, du romantisme et de la poésie.

Ça me fait penser à la citation d’Yves Saint Laurent qui disait « Une femme n’est jamais aussi féminine que dans un costume d’homme ». 

Moi je suis une grande animatrice de Monsieur Saint Laurent et il a tout à fait raison.

Yves Saint Laurent s’est beaucoup inspiré des vêtements d’homme et les a adapté aux femmes qui sont ensuite devenus des pièces d’une élégance intemporelle. Il prenait ses inspirations des différentes cultures de l’Asie, du Maroc et aussi des gauchos et leur a insufflé une modernité, une élégance et un chic européen.

Et c’est ça notre but avec Àcheval Pampa.

Nous voulons créer une garde-robe de beaux classiques, avec une élégance ethnique épurée que tout le monde peut porter toute une vie.

C’est pour cette raison que nous continuons chaque saison avec nos pièces clé, auxquelles nous ajoutons une petite sélection de nouveautés.

Le corps de nos collections sont les pantalons que nous déclinons dans différentes matières très luxurieuses. Autour de ces pièces, nous avons ajouté les chemises, des capes, des robes, des jupes, et pour cet hiver, une veste.

Nous donnons une grande importance à la qualité des tissus et à la coupe. Il faut que les vêtements soient parfaitement taillés et aussi agréables à porter du matin jusqu’au soir.

Mais il y’a aussi des bijoux et des ceintures pour lesquels vous faites appel à des artistes.

Oui, les bijoux et ceintures sont faits par l’incroyable artiste argentine Luna Paiva qui est connue pour ces énormes sculptures en bronze.
Cette collection capsule s’inspire de ce ciel très particulier des Pampas avec ce soleil et cette lune qui sont très intenses dans ce lieu magique.

Luna dessine d’abord et fait ensuite les moules à la main dans son atelier de production.

Pensez vous à inviter aussi d’autres artistes pour des collaborations?

Nous aimons vraiment l’idée des collaborations car c’est intéressant d’apporter un autre regard à la collection, mais il faut aussi qu’elles se fassent d’une manière naturelle sans être forcé.

Nous continuerons certainement notre collaboration avec Luna, dont nous adorons énormément  l’univers qui est en parfaite symbiose avec le style d’Àcheval Pampa.

Des It-girls comme Kendall Jenner, Meghan Markle sont des fans d’Àcheval Pampa et Delfina Blaquier a porté cette magnifique robe bleue au royal wedding de Harry et Meghan.

Oui, Delfina était sublime dans cette robe !
De l’avoir porté à ce moment là a fait un énorme buzz surtout sur les réseaux sociaux et a donné une énorme visibilité à la marque,  juste quelques mois après le lancement d’Àcheval Pampa au Ritz.

D’ailleurs Delfina et son mari Nacho Figueras, le grand joueur de polo, font aussi partie de cette aventure et sont les meilleurs ambassadeurs du label. On est tous très amis et nous partageons tous cet amour pour l’Argentine, sa beauté époustouflante et son savoir-faire unique.

Ce savoir-faire local et l’artisanat traditionnel est très mis en avant chez vous. Est-ce que tu penses que la nouvelle définition du vrai luxe est de produire moins mais d’une manière plus artisanale?

Pour nous c’est très important que tout soit produit localement.
Nos pantalons et les chemises sont fabriqués en Uruguay, les ceintures dans le sud du Brésil et les sacs sont faits par le meilleur atelier en Argentine qui est spécialisé dans la fabrication des selles des chevaux des gauchos. Ils ont un savoir-faire incroyable. Et nous faisons produire nos chapeaux noirs par une famille qui ne fait que ce modèle.

Le « made in the Pampas » nous tient vraiment à coeur et nous voulons le promouvoir et l’exporter dans le monde entier. C’est aussi une manière de donner du travail à tous ces artisans d’un talent impressionnant et pour que ce riche et unique savoir-faire ne disparaisse pas.

Àcheval Pampa est avant tout une marque de lifestyle, pas de designer, avec un esprit qui peut être décliné tout à fait aussi dans d’autres domaines comme le parfum ou les meubles.

2018 était l’année du lancement d’Àcheval Pampa qui était un véritable succès. Peux tu nous dévoiler vos nouveaux projets pour 2019?

Nous allons présenter notre collection Automne / Hiver en mars au Ritz.

Nous avons aussi un agenda rempli de voyages. Nous avons la chance d’avoir des très beaux magasins partout dans le monde qui vendent nos collections et qui organisent des événements autour la marque.

Ces voyages et ces rencontres avec les boutiques et les clients sont pour un projet comme le notre très importants car ça donne la vie à la marque et permet également d’avoir un contact direct avec notre clientèle et de comprendre ce que chaque femme aime de nos collections.

On va peut-être aussi créer des vêtement pour hommes car il y en a beaucoup qui veulent porter nos pantalons.

Qu’est-ce qui te vient à l’esprit quand tu penses à L’Iran?

Je pense à des couleurs, à des épices.
Ca me rappelle aussi l’Argentine car les deux pays on une culture très forte.
J’aimerais beaucoup y aller.

Credits:
Toutes les photos © Àcheval Pampa
e-Shop: https://acheval-pampa.myshopify.com
Texte: Anahita Vessier

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MATHIAS KISS, L’artiste à la main d’or

MATHIAS KISS, L’artiste à la main d’or

Mathias Kiss, artiste français, iconoclaste et dandy en blouse blanche, qui préfère de loin le franc-parler, est un personnage insolite et touchant, d’une énergie créative débordante et qui aime flirter avec les limites. Dans son oeuvre, il casse les conventions techniques et esthétiques de l’art classique, cherche des nouveaux codes et associe le classicisme français avec l’avant-garde.

Ses installations démesurées et déstructurées sont exposées dans des galeries et musées les plus prestigieux, au Musée des Arts Décoratifs et au Palais de Tokyo à Paris, et son univers séduit des maisons de luxe comme Hermès ou Boucheron.

Comment est née ta vocation d’artiste ?

J’ai commencé à l’âge de 14 ans un apprentissage peintre-vitrier et puis à l’âge de 17 ans,  j’ai décidé de rejoindre les Compagnons du Devoir où je suis resté pendant une quinzaine d’années.
Si j’en avais eu la possibilité, j’aurais adoré faire les Beaux-Arts. Mais ce parcours m’a finalement donné les outils et le savoir-faire pour pouvoir faire ce que je fais aujourd’hui.

Pour moi, l’art est quelque chose qui vient de mon vécu imprégné d’un certain traumatisme, mais que j’ai essayé de contrebalancer par la suite.

D’où provenait ce traumatisme ?

Quand tu es peintre en bâtiment, ça fait plutôt fuir les filles !

C’est compliqué d’arrêter l’école à 14 ans et de commencer à travailler. Pour la plupart des gens, cela n’était absolument pas attirant. Tout le monde faisait le bac, ou un métier col blanc, graphiste etc. C’était dur, de se sentir seul, d’être un peu « en marge ».

Comment peut-on te définir ? Artisan ? Artiste?

Au départ chez les Compagnons, tu veux juste être un bon artisan, ressembler à ton chef qui se fâche contre toi et te crie dessus si le ciel au plafond n’est pas parfaitement peint.

Jamais il ne me serait venu à l’esprit une question telle que « Pourquoi je ne fais pas le ciel en rouge ? ».

C’est plus tard que j’ai pu m’émanciper, me libérer des dogmes et aller vers l’art.

D’ailleurs, au début de ma carrière d’artiste, les gens ne savaient pas où me classer, dans la déco, dans l’artisan, ou dans l’art. Heureusement, il y a eu des personnes qui m’ont fait confiance et qui ont ensuite encouragé d’autres personnes à acheter mes œuvres.

D’où vient cette envie de casser les normes ?

Chez les Compagnons, j’ai grandi avec un compas et une équerre, ce qui symbolise les dogmes, le 90 degrés, le niveau. Mais j’ai fini par asphyxier dans les règles qui m’étaient imposées. Personne de mon âge ne s’intéressait à mon travail. C’était trop classique, trop rigide. J’avais envie de casser les normes, de me libérer des diktats techniques et esthétiques.

Je me suis demandé comment il serait possible de préserver les codes historiques du savoir-faire français et de les intégrer dans un contexte contemporain.

Il y a deux grands courants dans mon travail :

« Sans 90° », qui réunit des œuvres comme mes miroirs froissés, la banquette Igloo, le tapis Magyar, toutes sans angle droit.

Et aussi les « Golden Snake » ce que je décris comme libération d’éléments d’architecture habituellement en plâtre et qui questionnent le savoir-faire et la démarche artistique.

En quoi l’or est-il un matériau intéressant qui prend un rôle très important dans ton œuvre ?

L’or, c’est la lumière, c’est la vie. Ce n’est pas uniquement l’opulence ou le doré un peu kitsch et passéiste.

L’or permet aussi d’engager une réflexion sur le pouvoir, celui de la séduction des femmes à l’aide d’accessoires et de bijoux, celui des hommes qui se sont battus depuis toujours pour le posséder.

Envisages-tu d’autres défis que tu aimerais ajouter à l’œuvre de Mathias Kiss ? 

En tant que compagnon, j’ai travaillé sur des chantiers à la Comédie Française, à l’Opéra Garnier, au Conseil d’État, et dans d’autres palais de la République française. Au fil du temps, je ne me suis plus trouvé dans ce travail et je suis parti plus vers l’art contemporain

Un bon mélange des deux serait de faire des installations dans l’espace public, une sorte d’hommage à Paris, la ville musée.

Je pense par exemple à une adaptation de la corniche que j’ai faite pour le Palais de Tokyo pour un usage urbain où les enfants peuvent monter dessus et les gens peuvent s’assoir.
Ça serait vraiment un projet intéressant et un bon défi.

Ces grands espaces et grands murs blancs ne te font pas peur ?

Plus c’est grand, plus je kiffe ! Ça représente d’immenses pages blanches sur lesquelles je peux imaginer des installations.

Ayant pratiqué la boxe thaïe en compétition jusqu’à l’âge de 30 ans, tu as fait une séance de boxe avec le champion du monde Patrick Quarteron devant ton installation « Golden Snake » au Palais de Tokyo pour le magazine Numéro.
Selon toi, existe-t-il un lien entre l’art et la boxe?

 Souvent les gens ne voient pas le lien entre les deux univers.

Qu’est-ce que c’est un boxeur si ce n’est un homme à poil qui vient pour gagner, pour être applaudi par les spectateurs. C’est une sorte de narcissisme et d’exhibitionnisme total, ou un besoin de l’amour et de lumière qui est finalement proche de l’artiste.

Être un artiste est aussi lié à une mise en danger, prendre des coups, se jeter dans le vide.

Sur quel(s) projet(s) travailles-tu en ce moment ?

Sur une carte blanche pour le Palais des Beaux-Arts à Lille pour avril 2019.

Qu’est-ce qui te vient à l’esprit quand tu penses à l’Iran ?

L’incroyable fête organisée par le Shah d’Iran pour célébrer le 2500e anniversaire de la fondation de l’Empire Perse. C’est dingue qu’on en parle encore aujourd’hui. Elle est presque devenue un monument en elle-même, une sorte de symbole très fort.

Credits:
Toutes les photos par David Zagdoun
Sauf:
Image sur Home de Mathias Kiss par Wendy Bevan
Photo de Mathias Kiss et Patrick Quarteron au Palais de Tokyo par Stéphane Gallois pour Numéro
http://www.mathiaskiss.com
Text: Anahita Vessier

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HORMOZ HEMATIAN & ASHKAN ZAHRAEI, Electric Room, l’art sous haute tension

HORMOZ HEMATIAN & ASHKAN ZAHRAEI, Electric Room, l’art sous haute tension

La scène de l’art à Téhéran est vivante et riche avec des artistes extrêmement talentueux dont beaucoup sont nés après la Revolution Islamique.

Hormoz Hematian, fondateur et gérant de la Galerie Dastan, un des espaces le plus branché et pointu dans l’art contemporain de la capitale iranienne, et son ami Ashkan Zahraei, curateur et responsable de la communication chez Dastan, voyagent constamment autour du monde, entre Téhéran et les foires de l’art les plus importantes pour promouvoir le travail de leurs artistes et pour developper des collaborations internationales.

Ces deux workaholics avec une passion inconditionnelle pour l’art ont des milliers d’idées en tête et n’ont pas peur des défis. Ils ont lancé en 2017 « Electric Room », certainement un des projets le plus fou, intense et ambitieux qui font Téhéran un vrai recevoir de créativité et un des lieux le plus intéressant et dynamique de l’art contemporain.

‘Electric Room’ est un projet d’art très intéressant et ambitieux que vous avez développé et introduit sur la scène de l’art en Iran. Comment est née cette idée ?

AZ: Téhéran a une communauté de l’art plutôt restreinte. Dans le cadre de mon travail en tant qu’écrivain et curateur pour la Galerie Dastan et autres, j’ai rencontré beaucoup d’artistes qui avaient envie de faire des installations artistiques mais il manquait l’espace approprié pour ce genre de projet expérimental.

C’est pour cette raison qu’Hormoz et moi avons eu l’idée de lancer le concept d’Electric Room.

Le concept était de montrer 50 projets d’art en 50 semaines en présentant chaque semaine une nouvelle exposition et aussi des artistes moins connus. Donc un projet avec un début et une fin bien définie.

C’est un grand défi ! 

HH:  Oui, le défi était énorme ! C’est plus d’expos que certaines galeries font en 5 ans.

J’ai trois galeries à Téhéran, et il me manquait parfois la spontanéité dans l’organisation d’une exposition. Electric Room nous a permis de retrouver le côté romantique de l’art.

En juin 2017, nous avons donc ouvert ce nouvel espace, d’une petite superficie de 30m2, au centre de Téhéran, juste à côté de l’Université d’Art et d’Architecture, et tout près des Beaux-Arts et autres institutions culturelles importantes. C’est un quartier très animé, avec une super ambiance et pleins d’étudiants.

Nous avons donné le nom « Electric Room » au projet car un mur de cet espace d’exposition est presque entièrement couvert de tableaux électriques et d’unités de contrôle. C’est un endroit très cool et hors du commun.

AZ: Heureusement nous sommes tous les deux des workaholics !

Le projet était à la fois fabuleux et tellement intense. Nous voulions offrir aux gens une expérience unique.

Il fallait démonter chaque exposition en une journée seulement pour ensuite peindre les murs et installer la nouvelle exposition, et le même déroulement toutes les semaines pendant 14 mois. C’était un rythme de dingue !

Et comment était la réaction du public iranien ?

HH: La réaction était fantastique !

A chaque vernissage l’ambiance était incroyable, littéralement « électrique ».

Nous avons eu tellement de monde qu’il n’y avait pas assez d’espace pour tous les visiteurs à l’intérieur de la galerie.

Quel type de personnes étaient présentes aux vernissages ?

HH: De bonnes personnes. Des jeunes, des vieux, des amoureux de l’art, des clients potentiels, des gens qui normalement ne visitent pas les galeries mais qui adoraient l’ambiance et qui étaient impressionnées par l’espace. Chaque vernissage durait 4 à 5 heures.

AZ: Nous avons aussi invité les autres galeries de Téhéran pour leur présenter les artistes.

L’idée fondamentale d’Electric Room était d’être spontané, ouvert d’esprit, accessible et généreux.

Vous avez présenté 50 projets artistiques de 50 artistes différents en 50 semaines. Comment avez-vous réussi à trouver cette grande variété d’artistes ?

AZ: Nous avons mis le focus sur plusieurs types de projet :

Des installations, des présentations d’un seul objet d’art, des projets multimédia et vidéo et aussi des projets d’archive, comme par exemple l’exposition « OVNI à Téhéran ».

Je suis fasciné par les Ovnis et cette exposition était une présentation basée sur des archives sur l’apparition d’Ovni en 1976 au-dessus de Téhéran. Nous avons montré des documents, des articles et des films qui étaient faits à ce sujet à l’époque. J’aime vraiment l’idée qu’un projet non-artistique puisse aussi devenir art.

HH: Au début certains artistes étaient un peu sceptiques car c’était une façon très inhabituelle de présenter des œuvres artistiques. Ils ne voulaient pas prendre le risque. Donc nous avons commencé avec les artistes qui nous ont fait confiance.

AZ: C’est pour cette raison que nous avons collaboré au début d’Electric Room avec des artistes avec lesquels nous avons déjà travaillé à la galerie Dastan, comme Sina Choopani, Mohammad Hossein Gholamzadeh, Meghdad Lorpour, notamment.
Le fait d’exposer leurs œuvres a donné confiance aux autres artistes pour y participer aussi.

Nous avons eu la chance de travailler avec des artistes extrêmement talentueux en Iran. Certains refusaient même auparavant des collaborations avec des galeries.

Parmi ces artistes, il y a des iraniens qui vivent et travaillent à l’étranger. Pourquoi est-ce important pour eux de montrer leur travail à Téhéran dans votre galerie ?

AZ: Electric Room avait une portée très vaste avec un programme détaillé.

Les artistes avaient envie de faire partie de cette expérience extraordinaire et de présenter leurs œuvres dans ce contexte atypique.

Avec Electric Room et la Galerie Dastan vous travaillez sur des projets artistiques de très haut niveau, ce qui vous a permis d’obtenir une excellente réputation au niveau international dans le milieu de l’art. D’ou vient initialement cet amour pour l’art?

AZ: Pour moi; l’art est le mélange combiné de la formation universitaire (l’écriture, les théories critiques) et de la pratique.

Autant la théorie et la littérature peuvent donner un aperçu vers le monde, autant l’art est un meilleur moyen pour créer un dialogue et une communication.

HH: Mon grand-père était un général avant la revolution; après la chute du Shah, il a quitté l’armée et s’est consacré à la peinture, et il est devenu un artiste autodidacte.

Quand je lui rendais visite dans sa maison au Khorasan, il y avait une chambre dédiée aux peintures, une autres à la calligraphie, et une pièce de musique avec tous ses instruments.
Il y avait une vraie magie. Et j’ai vu comment l’art lui a sauvé la vie.

Est-ce que la politique de Trump et ses sanctions contre l’Iran ont mis une fin au boom du marché d’art iranien ?

AZ: Non. Les vrais artistes vont toujours trouver un moyen d’exprimer leurs idées. S’il n’y a plus de peinture ou du papier de haute qualité dans les magasins, ils utiliseront des outils moins coûteux mais ça ne les arrêtera pas d’être créatifs, d’être des artistes.

Ayant vécu cette expérience bien intense d’Electric Room pendant 50 semaines sans interruption, quels étaient vos sentiments pendant la toute dernière exposition du projet ?

HH: Très émotionnel.

AZ: Au début je ne savais pas vraiment ce que je devrais ressentir, mais le dernier jour était définitivement très triste. Au fond de moi, je savais qu’il était nécessaire de finir ce projet incroyable que nous avions commencé, mais il fut malgré tout très difficile de le lâcher.

Credits:
Toutes les photos d’Hormoz Hematian et d’Ashkan Zahraei:  Roxana Fazeli
(certaines montrant le travail d’Atefeh Majidi Nezhad’s « Revision: Zero-G »)
Toutes les photos des expositions à l’Electric Room : Dastan Gallery
Photo exposition 1: « Unsafe zone/domestic production » par Amin Akbari
Photo exposition 2: « The champion » par Mohammad Hossein Gholamzade
Photo exposition 3: « We are » par Sina Choopani
Photo exposition 4:  « Memebrain » par Taba Fajrak & Shokoufeh Khoramroodi
Photo exposition 5: « Inevitably inescapable » par Siavash Naghshbandi
Photo exposition 6:  « Tehran UFO project »
Photo exposition 7:  « Tangab » par Meghdad Lorpour
Photo exposition 8: « Mutual tongue » par Milad Nemati
Photo exposition 9: « The shaving » par Farrokh Mahdavi
Photo exposition 10: « Interview » par Sepideh Zamani
https://dastan.gallery
Electric Room 
Texte: Anahita Vessier
Traduction: Anahita Vessier

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LINDA BROWNLEE, Révéler la beauté invisible du brut

LINDA BROWNLEE, Révéler la beauté invisible du brut

Primée et connue pour son approche documentaire, Linda Brownlee travaillent pour les journaux et les magazines les plus prestigieux. Elle a publié plusieurs livres et ses photos ont été exposées à la National Portrait Gallery à Londres.

Intriguée par l’esthétique romantique du brut, elle trouve ses inspirations dans la beauté inattendue des détails auxquels on ne ferait pas attention. Révélant des moments d’intimité avec une sincérité spontanée, ses images évoquent une légèreté délicate enrobées d’une lumière élégance et douce.

Anahita’s Eye présente son projet « i Zii », un portait plein de tendresse d’une famille au village de Gangi en Sicile.

Après avoir terminé un cursus de communication à la Dublin City University, tu as fait des études d’art et de design. Qu’est-ce qui t’a finalement poussé à devenir photographe ?

La photographie était un des modules inclus dans les études d’art et design, et j’y ai complètement adhéré. Je photographiais tout et n’importe quoi.

J’adorais ça ! A ce moment-là, je ne connaissais aucun photographe irlandais et je ne savais pas comment en faire une carrière, c’était simplement une passion et j’ai décidé de la suivre et de voir où cela pouvait m’amener.

Il n’y avait aucun engagement, à l’origine, c’était plutôt un hobby, avant que je ne me rende compte, trois ou quatre ans plus tard, que c’était beaucoup plus sérieux et que j’envisage alors une carrière.

Et si tu n’avais pas décidé de devenir photographe …

…je serais devenue un vétérinaire équin, une actrice, un sculpteur, un avocat… J’avais envie de tout et de tout faire.

A travers tes photos, tu observes la vraie nature des gens dans leur intimité et leur relation avec leur environnement.
Quand tu photographies un portrait, qu’est-ce qui est vraiment important pour toi ?

Pour moi, le focus est de capter une énergie et une ambiance, quelque chose qui reflète cette échange, même si c’est très bref.

Et pour capter cette énergie, as-tu tendance à diriger tes sujets ou préfères-tu rester plutôt spontanée ?

Pour moi c’est très important de créer une atmosphère très cool et relaxe, comprendre la chimie de la personne en face, de la situation, trouver une conversation.

J’essaie de diriger au minimum, préférant que les choses se dévoilent naturellement pour obtenir quelque chose plus intéressant et plus intime.

Ces moments d’intimité, tu les montres dans plusieurs documentaires pour Nowness : La série « Limber Notes » mettant en scène des performeurs de tous les âges et milieux sociaux qui ont tous une chose en commun, leur amour pour la danse. Ou dans « In the Arena » sur le mannequin anglais Edie Campbell qui dévoile sa passion pour l’équitation.  

 Souhaiterais-tu travailler plus sur les films documentaires ? 

Oui, j’aimerais réaliser plus de films. Je trouve cela vraiment excitant et satisfaisant.

Et j’aime le défi de travailler avec tous les éléments. J’ai étudié la radio pendant mes études de communication et j’apprécie énormément la puissance incroyable du son. Étant intéressée par le caractère des gens, leurs histoires, tout cela en créant une atmosphère, c’est presque une transition naturelle.

Je pense qu’il y a déjà quelque part en moi un grand film documentaire, il faut juste que je trouve du temps.

Y’a-t’il une personne ou un sujet en particulier sur lequel tu rêverais de faire ce grand film documentaire ?

Non, pas pour l’instant, mais dès que je trouve la personne, je suis sûre de prendre le temps qu’il faut pour le faire.

En tant que photographe primée connue pour son approche documentaire, tu travailles parfois aussi pour la mode.
Qu’est-ce qui t’intéresse dans la photo de mode ?

J’adore travailler avec des beaux vêtements, collaborer avec des stylistes, et le casting m’intéresse. C’est vraiment amusant et un terrain parfait pour expérimenter et repousser mes limites.

Y-a-t-il un artiste dont tu admires le style ?

Je ne sais pas si je dirais « admirer », mais le style de Yayoi Kusama m’amuse beaucoup.

Et une photo précise qui inspire ta vision artistique ?

Absolument pas .

Je pense ma vision artistique est inspirée par un pêle-mêle de beaucoup de choses, des films, des tableaux, des oeuvres des différents photographes… Et des longues promenades quand je n’ai pas d’idées.

Tu es non seulement photographe et réalisatrice, mais aussi mère de deux petites filles.
Est-ce que maternité a changé ta créativité ?

La maternité m’a certainement aidé à être plus concentrée, à mettre mon énergie créative sur l’essentiel.
Le fait d’être mère coupe ton temps à moitié, donc tu refuses les projets auxquels tu probablement aurais dit non de toutes façons. Cela me permet, je pense, d’apporter une certaine clarté dans mes choix.

Qu’est-ce qui te vient à l’esprit quand tu penses à l’Iran ?

Je pense à la série de photos du photographe iranien Hashem Shakeri sur les conséquences du réchauffement climatique en Iran.

Credits:
Toutes les photos: Linda Brownlee
Des extraits du livre « I Zii », EightyOne Books, 2016
http://www.lindabrownlee.com
Texte: Anahita Vessier
Traduction: Anahita Vessier

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CHRISTELLE TÉA, Le mystère de la vérité décrite

CHRISTELLE TÉA, Le mystère de la vérité décrite

La première fois que j’ai rencontré Christelle Téa, j’étais intriguée par ce personnage au visage de porcelaine, telle une chinoise des années 30, avec un petit chapeau excentrique dans ses cheveux et vêtue d’une petite robe noire. Elle m’a fait penser à l’héroïne de « L’ Amant » de Marguerite Duras. C’est ce contraste entre son apparence extravagante et ce côté juvénile, mêlée à une forme de sincérité naïve, qui m’a particulièrement marquée.

De nature timide et discrète, j’ai découvert l’autre facette de Christelle pendant notre shooting aux Beaux-Arts de Paris où, posant devant la caméra, ce corps si fragile dégage soudainement une force, une confiance inattendue. Christelle sait jouer avec son image.

Amenée par le destin à l’art avec ce talent extraordinaire, Christelle Téa dévoile dans son œuvre d’une manière virtuose la vérité d’un instant avec tous ses détails et invite le spectateur à la lecture et relecture du moment.

D’où vient ta passion pour le dessin ?

Je dessine depuis que je suis petite. Mes parents tenaient un restaurant chinois et j’y passais tous mes après-midi après l’école. Ma sœur et moi nous nous y sommes beaucoup ennuyées. Un jour, j’en ai parlé à ma mère et elle m’a donné un carnet et un stylo avec lequel on prenait les commandes des clients au restaurant. C’est à partir de ce moment-là j’ai commencé à dessiner tout le temps.

C’était pour moi non seulement une occupation mais aussi un moyen de m’exprimer car j’étais très timide. J’étais une enfant très réservée et silencieuse.
Jusqu’à l’âge de six ans, je ne parlais pas le français même si je suis née en France et que j’ai vécu toute ma vie en France.

 A la maison on parlait uniquement le Teochew, un dialecte du Guangdong que l’on parle dans sud-est de la Chine.

Donc au début de ma scolarité je me suis sentie comme un extra-terrestre, je ne comprenais pas ce qu’on me disait.

Le dessin m’a aidé à m’évader, à m’exprimer, à me faire comprendre. Pour moi, le dessin était avant tout un moyen d’expression et de communication.

Donc c’est à partir de ce moment-là que tu as décidé de devenir artiste ?

Ma mère m’a dit que si elle avait su, elle m’aurait plutôt donné une calculatrice ; et pour mon père ce n’était absolument pas une voie envisageable pour gagner sa vie.

J’ai découvert La Joconde ou Picasso au collège grâce au cours d’art plastique.

Quelques années plus tard, j’ai eu cette énorme chance d’être acceptée aux Beaux-Arts de Paris. C’est un véritable paradis pour faire ses études d’art. On sélectionne ce qu’on veut, on mélange, on expérimente dans un cadre époustouflant.

Donc c’est finalement le destin qui m’a amené à devenir artiste.

Tu es allée en Chine pendant tes études pour un échange avec les Beaux-Arts de Pékin. Cette expérience t’a-t’elle permis de renouer avec tes racines chinoises?

Absolument!
Ces six mois à Pékin m’ont aidé à reconnecter avec mes origines chinoises et à observer aussi la très grande différence entre la façon d’enseigner en France et en Chine.

Pendant mes études en Chine, il fallait uniquement apprendre une seule technique, et surtout pas en mélanger plusieurs. Ce qui permet de maîtriser parfaitement bien une discipline. J’ai choisi de me concentrer sur les études de la gravure sur bois avec Maître Xu.

Quand j’avais du temps libre, je me baladais en ville avec mes outils de dessin. Je me sentais libre comme un oiseau !

J’ai dessiné dans les rue, les marchés, les musées et les hutongs de Pékin.

Tu es alors toujours équipée d’une planche, de feuilles de papier et d’un stylo avec un réservoir de l’encre de Chine. Un véritable atelier mobile ! N’aurais-tu pas envie d’avoir un atelier fixe?

Pendant ma résidence d’artiste au musée Jean-Jacques Henner à Paris, j’avais un atelier pendant six mois mais il est resté vide la plupart du temps car je m’en servais pas.

Pour mon travail j’ai besoin de la vie, du mouvement.

Cette vie, ce mouvement dont tu parles, tu les captes aujourd’hui en réalisant beaucoup de portraits de personnes dessinées sur le vif sans esquisse. Tu les dessines en situation, dans leur maison, leur lieu de travail ou aucun détail ne t’échappe. Est-ce que c’est important pour toi que les gens soient contents de leurs portraits ?

Non.
Je ne cherche absolument pas à faire une éloge de la personne que je dessine.

Ce qui m’intéresse dans ces portraits réalisés in situ est le monde qui les entoure, la réalité immédiate avec les détails qui ne doivent pas être vus mais qui existent, par exemple la pieuvre de fils électriques en dessous d’un bureau marqueté Louis XV ou un piano qui ne parvient pas à dissimuler le tuyau d’un aspirateur.

C’est là que se trouve une partie de la vérité, dans ces détails.

A cet égard, j’aime bien la citation du photographe Garry Winograd qui disait :

« Il n’y a rien de plus mystérieux qu’un fait clairement décrit. »

Je n’essaie pas de flatter la personne que je dessine, ni faire une reproduction photographique d’elle et de son environnement familier. Elle devient plutôt un élément parmi d’autres de la composition dans laquelle chaque objet, chaque livre, chaque instrument de musique, chaque tableau, est illustré avec autant de soin et précision que le personnage central.

Et quand tu ne dessines pas ?

Quand je ne dessine pas, je pratique le chant lyrique au Conservatoire du 16ème arrondissement dans la classe d’Alexandra Papadjiakou.

La musique et le dessin sont très importants et complémentaires pour moi. Tous les deux sont une forme de respiration, de créativité et d’expression.

C’est d’ailleurs de cette passion pour la musique que sont nées mes grandes fresques inspirées des opéras comme Les Contes d’Hoffmann d’Offenbach ou Faust de Gounod dans lesquelles je me suis mise en scène moi-même.

En tant que passionnée de musique et d’art, quels sont les artistes qui te fascinent ?

En musique, Bernstein, Mozart, Puccini.

En dessin, Hockney, Dürer et Sam Szafran qui a donné aussi beaucoup d’importance aux détails dans ses dessins et qui n’allait jamais à ses propres vernissages.

Et toi, aimes-tu assister à tes vernissages?

Oui.
C’est important d’y aller pour voir qui s’intéressent à mes dessins.
Et aussi par respect pour les gens qui se sont déplacées pour découvrir mon travail.
Au-delà de cela, c’est aussi un moment agréable à passer avec mes amis.

Qui te vient à l’esprit quand tu penses à l’Iran?

Je pense au photographe Ali Mahdavi dont j’ai fait le portrait.
J’adore son travail.

Credits:
Toutes les photos de Christelle Téa:  Marion Leflour
Tous les dessins: Christelle Téa
Dessin 1: Jean Michel Frouin, artiste peintre et menuisier, 2015, Encre de Chine sur papier, 65 x 50 cm
Dessin 2: Galerie de Morphologie aux Beaux-Arts de Paris, 2012, Encre de Chine, 50 x 65 cm
Dessin 3: 2 pour 1 au marché Xiyuan, 2014, Encre de Chine sur papier, 301 x 412 mm
Dessin 4: Cécile Guilbert, écrivaine, 2015, Encre de Chine sur papier, 65 x 50 cm
Dessin 5: Concert de Christophe Chassol, compositeur-musicien, au Silencio Paris 2018, Encre de Chine sur papier
Dessin 6: Le Jugement dernier et le Colleone, Chapelle des Petits-Augustins aux Beaux-Arts de Paris, 2012, Encre de Chine sur papier, 50 x 65 cm
Dessin 7: Ali Mahdavi, artiste plasticien, réalisateur et directeur artistique de la revue « Désirs » au Crazy Horse, 2015, Encre de Chine sur papier
Merci Valérie Sonnier et Philippe Comar des Beaux-Arts de Paris de nous avoir permis de faire les photos de Christelle Téa à la galerie de morphologie.
https://christelletea.com
Texte: Anahita Vessier

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ANAHITA’S EYE, Soirée de lancement au Silencio

ANAHITA’S EYE, Soirée de lancement au Silencio

Anahita’s Eye invitait au Silencio à Paris pour célébrer son lancement officiel avec un concert de Christophe Chassol, la présentation de la série photo « Big Fish » du photographe iranien Morteza Niknahad et la projection du film « Relève » par les réalisateurs Alban Teurlai et Thierry Demaizière.

Credits:
Toutes les photos par Benoît Frenette

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ZOE CASSAVETES, Sans crainte derrière la camera

ZOE CASSAVETES, Sans crainte derrière la camera

Ma première rencontre avec Zoe Cassavetes était en 2007 en regardant son film « Broken English ». J’ai adoré sa fine observation de la complexité et de la banalité du langage dans une histoire d’amour, une expérience que nous avons tous vécue au moins une fois dans notre vie.

Ma deuxième rencontre avec Zoe , ce fut à Paris dans une fête d’une amie en commun. Ce soir là, j’ai découvert que sa façon très naturelle d’être et de parler se reflète dans ses films où elle observe d’une manière sincère les multiples facettes des émotions d’une femme dans les différentes phases de sa vie.

Etant la fille du couple légendaire John Cassavetes et Gena Rowlands, elle aime prendre des risques et adore jouer en dehors de sa zone de confort.

L’année dernière tu as réalisé la série « Junior » pour Blackpills, 10 épisodes d’une durée de 10 minutes, conçus pour être regardés sur le portable et ciblant le public des millennials. Quel défi! Aimes-tu sortir de ta zone de confort?

Oui, j’adore sortir de ma zone de confort!
Et c’était un défi encore plus considérable de travailler sur un projet qui concerne les adolescents d’aujourd’hui. Je voulais trouver la bonne formule car ce sont eux qui seront mon public.

Pourquoi la culture des millennials te fascine t’elle autant ?

Je suis fascinée par la vitesse incroyable avec laquelle le temps passe depuis l’époque de notre génération X et par le niveau extreme des choses qu’ils font, regardent et savent. Et c’est parce que la technologie avance à la vitesse de la lumière. Ma génération n’a pas eu accès à cette technologie les vingt premières années de sa vie. Je sais lire, écrire à la main et rêver.

Aujourd’hui, les jeunes ne lâchent pas leur portable. Leur vie se passe à travers le téléphone. Je trouve ça effrayant. Mais il y a aussi des enfants incroyables qui utilisent cette technologie pour construire leurs vies d’une manière positive.

En fait, personne ne connaît les effets engendrés par un changement de mode de vie aussi rapide. Je sais que ça m’affecte mais j’ai vécu aussi avant sans cette technologie.
Je suis sûre que les millennials me regardent et se disent, qui est cette vieille?

Tu as essayé de devenir actrice avant de devenir photographe et réalisatrice? Pourquoi as tu préféré arrêter et être plutôt derrière la caméra?

J’étais une actrice horrible! Vraiment, vraiment mauvaise. C’est dommage, car c’est vraiment ce que je voulais être ! Mais je ne savais pas à l’époque qui j’étais vraiment. Je n’avais aucune base, aucune confiance pour jouer.

J’ai toujours aimé écrire et quand j’ai essayé la réalisation, j’ai immédiatement adoré cela, je pouvais être le chef d’orchestre sans être obligée de jouer.

J’adore les acteurs. Etre acteur n’est pas un travail facile. Mais j’aime mon travail qui peut être long, impliqué, parfois douloureux mais toujours satisfaisant.

Tu as réalisé le film « Behind the Door » pour célébrer la réouverture du Ritz à Paris. As tu des souvenirs personnels liés au Ritz Hotel?

J’adore le Ritz à Paris depuis l’époque où j’y allais avec mes parents quand j’étais une petite fille.

Il y règne une atmosphère féerique, non seulement parce ce que c’est un bel hotel mais aussi parce que les gens qui le gèrent en font un lieu magique ou tous les rêves se réalisent.

C’est pour cette raison que le film est très fantastique avec des clefs et des portes magiques qui mènent vers un monde sauvage de cache-cache, une sorte de jeu d’enfance mais avec en plus tous les meilleurs costumes et personnages.

S’il fallait ne garder qu’un un film dans une capsule témoin pour faire un voyage dans le temps, comme une preuve d’humanité d’ici quelques milliards d’années, quand il n’y aura plus de traces de l’homme, lequel choisirais-tu ?

Oh, je déteste ce genre de question!

J’aime tellement les films qu’il est vraiment très dur pour moi d’en choisir seulement un. Mes films préférés parlent surtout de la souffrance humaine.

J’aurais eu probablement une meilleure réponse avant l’élection de Trump mais maintenant il y a un ‘avant-Trump’ et un ‘après-Trump’. Mon choix ‘avant-Trump’ serait « La vie est belle » et mon choix ‘après-Trump » serait « Docteur Folamour ».

Tu es mariée avec Sébastien Chenut du duo pop-electro français Scratch Massive, la musique tient elle une place importante dans tes films?

Mariée au compositeur ! Sincèrement Seb a un goût incroyable pour la musique et le cinéma . Et il a su comment m’orienter vers un son plus moderne pour mes films. C’est une partie tellement importante de l’histoire.

La musique est un personnage du film comme le lieu en est un aussi.

J’adore ce qu’il fait et comme je le considère comme ‘notre style’, cela me fait toujours très plaisir quand les gens l’apprécient vraiment.

Imagine toi enfermée toute une nuit dans un grand magasin de musique comme il en existe à Los Angeles, quel vinyle écouterais tu?

La bande de son de DIVA, Nina Simone, Led Zeppelin ‘Houses of the Holy’, Wham! ‘Make it Big’, je ne sais pas, je suis vraiment très old-school …

Etant ami avec Marc Jacobs et ayant réalisé le film « The Powder Room » pour Miu Miu, la mode, est elle un terrain de jeu intéressant pour toi en tant que photographe et réalisatrice?

C’est vrai, je réalise beaucoup de films pour la mode et la publicité.
Et j’aime ces projets car il FAUT que les films soient beaux et j’adore travailler en ce sens. Et oui, j’adore les vêtements, les chaussures, les sacs mais j’avoue que je suis moins addict à la mode qu’avant. J’ai assisté à beaucoup de défilés ou d’autres événements cool pendant des années et il m’arrive parfois encore occasionnellement d’aller voir un défilé de mode.

Ce que j’aime dans la mode c’est la beauté du geste, le soin pour le détail et l’imagination qu’on met dans les pièces et dans les collections.

La personne que j’admire le plus dans ce milieu est Miuccia Prada.
Elle est constamment fabuleuse, chaleureuse, généreuse et tout ce qu’elle touche est sublime. Toutes les personnes qui travaillent avec elle sont super, à tous les niveaux.

Guy Bourdin ou Helmut Newton?

Les deux?

J’adore la brillance de Bourdin et personne ne montre mieux la puissance que Helmut Newton.

Tu aimes écrire. Tu écris la plupart de tes scénarios. Quel livre a réveillé cette passion pour l’écriture?

J’écris depuis toujours. J’invente des histoires et je les écris. J’ai toujours écrit les devoirs de tout le monde en classe d’anglais mais toujours avec un point de vue différent. C’était la seule matière que j’aimais et où j’étais bonne.

J’ai écrit ma première pièce quand j’avais huit ou neuf ans. C’est venu naturellement, surtout quand j’étais jeune, je ne me souciais pas de la qualité. Cette époque d’insouciance me manque.

Peux tu m’en dire un peu plus sur ton nouveau film « My Dead Ex » qui est sorti?

« My Dead Ex » n’est pas vraiment mon propre projet mais j’ai réalisé quelques épisodes.
C’est un film amusant sur un adolescent qui tombe tellement amoureux d’une fille à l’école que, quand il essaie de l’impressionner, il finit par mourir. Mais il revient à la vie car ils ont un lien très fort.
J’ai aimé m’amuser avec ce sujet un peu ridicule.

Que penses tu de l’Iran?

J’ai deux amies, deux sœurs, qui venaient d’Iran et qui ont tous abandonné pour émigrer aux Etats Unis. Malgré tout leur amour pour leur pays n’a jamais diminué et leurs histoires d’Iran m’ont toujours fait rêver et m’ont donné envie d’y aller.

Je pense que c’est terriblement triste dans notre monde actuel d’avoir peur des choses que nous ne comprenons pas ou ne connaissons pas.

Credits:
Photos:
Portrait de Zoe Cassavetes:  Sofia Sanchez et Mauro Mongiello
« Junior » affiche (c) Manny Films
« Junior » derrière les coulisses: Zoe Cassavetes
« Junior » derrière les coulisses: Zoe Cassavetes
« Behind the Door » affiche
« Behind the Door » derrière les coulisses
« Broken English » affiche
« Day out of Days » affiche
« The Powder Room » de Miu Miu: Zoe Cassavetes
« The Powder Room »de Miu Miu: Zoe Cassavetes
Texte: Anahita Vessier
Traduction: Anahita Vessier

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CAMILLE VIVIER, Surréalisme et tension érotique

CAMILLE VIVIER,
Surréalisme et tension érotique

Les photos de Camille Vivier emportent le spectateur dans un monde plongé dans un surréalisme romantique, une rêverie mélancolique, brouillée par un voile mystérieux et ouatiné. Son univers libre et sensuel intrigue et séduit.

On trouve ses photos dans les galeries et dans les magazines de mode les plus prestigieux, mais aussi dans le monde de la musique, avec dernièrement le portrait de Dita van Teese et Sébastien Tellier pour la couverture de leur album.

Le corps féminin, sa sensualité, son érotisme, sa diversité, sont des sujets très importants dans ton travail. Quelle est ta définition de la beauté?

Je suis sensible à la poésie de la beauté. Le corps est un sujet très classique. Mon travail interroge la définition du mot « beauté », de comment elle est perçue par l’histoire de l’art et aussi par la société.

« Dans mes photos il y a évidemment une recherche esthétique mais j’ai surtout envie que ma vision de ce qui est beau soit une proposition ouverte et subjective sans imposer une définition de la beauté. »

Cette vision peut parfois paraître étrange ou bizarre. Mais j’aime aller aussi de temps en temps vers des choses plus dérangeantes.

Je suis une femme qui photographie des femmes, avec une façon d’exprimer l’érotisme qui est très différente à la vision de l’érotisme pensée par un homme. Je la montre d’une manière plus abstraite.

Est-ce que tu aimes contrôler et diriger un shooting ou est-ce que tu préfères de te laisser emporter par l’énergie et donner la chance aux « accidents »?

Je ne suis pas directive, je laisse les choses se faire dans un climat de confiance.

«  Dans les moments d’incertitude et de non-contrôle, ils se passent justement beaucoup d’accidents intéressants. »

Mais avant de commencer un shooting  je pense à l’image et je prépare des références surtout pour la lumière qui est un élément très important pour moi.

Dans ton travail, tu joues beaucoup avec les contrastes, la juxtaposition du brut et du lisse, du raffinement et de la simplicité, de l’animé et de l’inanimé. Qu’est-ce qui te fascine dans cette association de deux choses différentes?

L’inquiétante étrangeté de l’inanimé m’a toujours fasciné.

J’aime le jeu de contraste, j’aime faire cohabiter des formes ou des univers très différents et créer un dialogue entre ces deux sujets qui vont se sublimer l’un l’autre, comme la chair du corps nue d’une femme sur le béton d’une sculpture.

C’est un travail qui consiste à construire un vocabulaire entre deux éléments qui ensuite s’articulent entre eux.

A côté de tes projets personnels, tu collabores régulièrement avec des magazines de mode français et internationaux et des marques comme Isabel Marant, Stella McCartney, Martin Margiela, Hermès qui t’ont donné carte blanche pour créer un court-métrage.
Y’a-t-il un photographe dont tu admires le travail et l’approche artistique pour la photographie de mode?

Je me souviens encore, c’était dans les années 90, j’ai travaillé en tant qu’assistante éditoriale au magazine Purple quand ce livre de Wolfgang Tillmans est sorti.

« La vision de Tillmans m’a complètement bouleversée. Dans ses photos j’ai découvert une énorme liberté, un sens artistique qui m’a ouvert l’esprit, qui m’a donné envie de faire des images et qui m’a décomplexée aussi par rapport à l’image de la mode car il la présentait d’une manière plus accessible, plus spontanée, plus libre, moins glamour et lisse. »

J’adore aussi l’œuvre de Man Ray qui a travaillé pour la mode mais qui faisait aussi un travail personnel très riche avec des codes et des sujets récurrents. Il avait un gout pour les objets et l’association des éléments différents.

Ma relation avec la mode n’a pas toujours été très simple, mais avec les années j’ai acquis une assurance en tant qu’artiste qui m’a permis d’imposer ma vision de la mode, un point de vue qui est influencé par mon travail personnel. Je ne me sens plus contrainte de devoir photographier d’une certaine manière.

On ressent un sorte de romantisme, une rêverie ouatinée dans tes photos. Y’a-t-il une source d’inspiration en particulier?

« J’adore tous ce qui est une mise à distance avec une certaine théâtralité pour créer des scènes qui ont des empreintes de la réalité mais amènent à quelque chose de complètement fantasmagorique. »

Je suis très inspirée par l’art classique. J’adore les peintres hollandais et la façon dont ils exprimaient la lumière et les ombres.

J’aime aussi lire et m’évader dans des paysages que je me figure mentalement.
Pendant une période, je lisais beaucoup les romans de l’écrivain français André Pieyre de Mandiargues. On trouve dans ses livres une tension érotique mise en scène dans un univers surréaliste.

De quoi penses tu quand tu penses à l’Iran?

Le contraste entre le passé et le présent.

Credits:
Toutes les photos par Camille Vivier
Texte: Anahita Vessier
http://www.camillevivier.com/

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OLIVIER CHÂTENET, Le maître de style

OLIVIER CHÂTENET,
Le maître de style

Olivier a travaillé avec les plus grands noms de la mode : des maisons Alaïa, Thierry Mugler, en passant par Hermès. Il a également lancé ses propres marques, Mario Chanet et E2. Il a compilé, au fil du temps, une collection exceptionnelle de mode vintage et possède la plus grande et plus importante collection des pièces vintage de Yves Saint Laurent.

Il voyage partout dans le monde avec cette collection, il organise des expositions, et travaille en tant que consultant en style pour les maisons de luxe et le cinéma. Olivier connait tout sur la coupe parfaite et a une sensibilité incroyable pour la mode.

D’où vient ta passion pour Yves Saint Laurent ?

Quand j’ai commencé à travailler dans les années 80, Yves Saint Laurent ne faisait pas du tout partie des marques auxquelles je m’intéressais. A cette époque, la marque YSL était devenue très classique et bourgeoise. L’image d’Yves Saint Laurent dans les années 80 reposait sur la working girl en blazer avec sa jupe droite et courte.

Ma passion pour YSL est venue bien plus tard lorsque je me suis intéressé à l’ultime perfection du style. Et c’est le cas.

« Quand tu regardes quelques pièces créées par Yves Saint Laurent il y a 30 ou 40 ans, tu ne dirais pas qu’elles sont modernes mais juste incroyablement parfaites ».

Il y a quelque chose d’incroyablement intemporel dans sa mode. Encore aujourd’hui je vois des filles qui portent des blouses YSL vintage.

Cela peut paraître très classique aujourd’hui mais la préoccupation principale d’Yves Saint Laurent était que les femmes se sentent belles dans ses vêtements.

Yves Saint Laurent disait « Une femme n’est jamais aussi féminine que dans un costume d’homme ».

Absolument !

« Le contraste entre le tailleur pour homme et la femme qui le porte, souligne encore davantage sa féminité. »

Yves Saint Laurent était constamment à la recherche de LA pièce parfaite. Ainsi, dans les années 60, il a pu observer que le cycle de renouvellement de la mode masculine était beaucoup plus lent, et que les vêtements d’homme duraient aussi plus longtemps.

C’est pour cette raison qu’il a pris de nombreuses pièces de la garde-robe des hommes et les a adaptées pour femme, comme le smoking ou le trench-coat.

« Il disait souvent qu’il aurait aimé avoir inventé le jean car c’était le vêtement parfait. Le jean est nonchalant, simple et a du sex appeal, quel que soit l’âge, le sexe, la saison. »

Quel secret se cache derrière ce génie créatif d’Yves Saint Laurent qui a révolutionné la mode ?

« Pour moi, Yves Saint Laurent était sans doute le plus grand styliste du 20ème siècle mais pas forcément le plus grand créateur. »

Il n’a rien inventé. C’était un très bon observateur et il avait cette sensibilité extraordinaire qui lui permettait de savoir ce que les femmes voulaient vraiment. Sa célébrité s’est construite sur une mode qui existait déjà, son talent était d’observer, de s’adapter et de proposer au bon moment.

En 1971, alors que tout le monde pensait que la mode devait s’inspirer du futur et être futuriste, Yves Saint Laurent a enfreint cette règle en s’inspirant du passé et en présentant la fameuse collection des années 40. Cette collection a provoqué un énorme scandale et a eu un très grand impact. C’était le début du style retro chic. Mais là encore, YSL n’a rien inventé. Déjà dans la seconde moitié des années 60, on peut voir ce style retro dans les shootings du Vogue anglais, montrant des mannequins qui portent des vêtements des créateurs basés à Londres, comme Ossie Clark ou Biba.

« En plus d’être un excellent styliste, il savait parfaitement utiliser la communication et son image pour créer, comme on dirait aujourd’hui, un énorme buzz ».

Le meilleur exemple en est la photo de lui nu prise par Jean-Loup Sieff en 1971 pour le lancement de son premier parfum pour homme. C’était énorme ! Etant donné le contexte de l’époque, c’était complètement nouveau et révolutionnaire qu’un créateur utilise sa propre image pour la promotion de sa marque.

Parlons maintenant de ta collection de pièces vintage et ta collaboration avec Bertrand Bonello pour son film « Saint Laurent ». Comment était-ce de travailler en tant que consultant en style pour ce projet ?

C’était une expérience fantastique ! C’est initialement moi qui a contacté Bonnello. J’ai entendu parler de son projet de film et j’ai immédiatement pris le téléphone et je lui ai laissé un message. Le lendemain, il m’a rappelé, nous nous sommes rencontrés deux jours plus tard et la collaboration a ensuite commencé.

D’abord il m’a fait lire le scénario pour avoir mon avis et puis j’ai rencontré Anaïs Romand, la costumière. Nous avons travaillé très dur et nous avons essayé d’être aussi précis que possible. J’ai donné à Anaïs tout le matériel iconographique pour la reproduction de certaines pièces. Je travaillais surtout lors des phases de préparation du film et lors des tournages des scènes les plus importantes, telles que les scènes des défilés de mode.

La meilleure récompense pour ce travail acharné fut quand Anaïs Romand a remporté le César pour les meilleurs costumes dans « Saint Laurent ». J’étais tellement content pour elle !

Mise à part ton expérience pour ce film et ton travail en tant que consultant pour les plus prestigieuses maisons de coutures de Paris, tu as aussi travaillé sur des expositions de ta collection vintage en France et à l’étranger, par exemple l’expo « Crazy about Yves » de 2012 à Hong Kong. Quelle fut la réaction du public asiatique ?

La réaction était très enthousiaste. Hong Kong est une ville jeune et moderne, donc le concept de la mode vintage est encore très nouveau pour le publique chinois.

L’exposition « Crazy about Yves » a été présentée dans le cadre du 20ème anniversaire du French May Festival. C’était la première fois que j’avais carte blanche pour une exposition et je n’avais jamais exposé ma collection à une si grande échelle auparavant.

« Même s’il n’a pas beaucoup voyagé, Yves saint Laurent s’est beaucoup inspiré de l’Asie dans ses ‘voyages imaginaires’. Quand il a lancé son parfum Opium, son idée était de créer un parfum pour l’Impératrice de Chine ».

C’est pour cette raison que la partie finale de l’exposition est une sorte d’« Hommage à la Chine », dédié à aux créations d’YSL d’influence asiatique entre 1970 et 1980.

Y-a-t-il une citation d’Yves Saint Laurent qui t’inspire ?

« Les plus beaux vêtements qui puissent habiller une femme, ce sont les bras de l’homme qu’elle aime ».

Cette citation montre parfaitement bien son admiration sincère et vraie pour les femmes.

Qu’est-ce qui te vient à l’esprit quand tu penses à l’Iran ?

Je pense à Farah Diba et à la beauté divine.

Crédits:
Portrait d’Olivier Châtenet sur page la Home par Christophe Roué
Portrait d’Olivier Châtenet de l’article par Angèle Châtenet
Photos:
– Exposition « 40 silhouettes composées d’archives YSL », Galerie 7.5 / Paris, 2014
Pièces avec imprimés de 1970 à 1978
– Exposition « Un regard sur Yves Saint Laurent », Dinan / France, 2017
Pièces inspirées par la veste safari de 1968 – 1975
– Exposition « 40 silhouettes composées d’archives YSL », Galerie 7.5 / Paris, 2014
Pièces avec imprimés de 1971 à 1983
– Portrait d’Yves Saint Laurent par Jean-Loup Sieff, 1971
– Scène défilée du film de Bertand Bonello « Saint Laurent »
– Exposition « Un regard sur Yves Saint Laurent », Dinan / France, 2017
Pièces de la collection « Chine », Saint Laurent Rive Gauche Automne / Hiver 1979/80
– Exposition « Golden Needle », Joyce / Hong Kong 2016
Pièces par Dries Van Noten, par Marni et vintage
– Exposition « Golden Needle », Joyce / Hong Kong 2016
Texte: Anahita Vessier
http://www.olivierchatenet.com

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IMAN RAAD, Perturbation de la réalité

IMAN RAAD,
Perturbation de la réalité

S’inspirant de la peinture miniature persane, des ornements de camions d’Asie du sud et de l’imagerie numérique affichant un bug, l’œuvre d’Iman Raad m’a immédiatement impressionnée : son intensité, son mélange explosif de couleurs, ainsi que la combinaison contradictoire de beauté et de peur, de plaisir et de douleur. En regardant ces tableaux, le spectateur témoigne d’un moment de rupture, un moment figé de la réalité juste au moment où quelque chose est sur le point de se produire.

Dans cette interview, l’artiste iranien né à Brooklyn nous guide à travers son dernier travail qui a récemment été exposé à la galerie Sargent’s Daughters à New York.

Quand on observe ton travail, on constate que tu utilises des éléments issus du folklore de la mythologie persane tels que des détails typographiques et des allusions aux miniatures persanes. La culture et le folklore iraniens sont-ils une source d’inspiration importante pour toi ?

Oui, ça l’a toujours été. Mais cela va même au-delà d’une source d’inspiration. C’est une base de ma structure de pensée, qu’elle soit inconsciemment ou consciemment stimulée.

J’essaie de ne pas utiliser de façon « iconique » la culture persane dans mon travail, de sorte que l’on reconnaît à peine les éléments de folklore. L’indication iconique des « autres » cultures est une approche occidentale de l’art parce qu’elle est une représentation évidente d’autres cultures qu’il est possible de sortir de son contexte, facile à communiquer et à consommer.

« Mais mon travail fait constamment référence « de manière indicielle » à la culture persane : cela est enraciné dans mes pensées J’ai vécu avec cette culture, je la respire, j’apprends d’elle et je construis mon langage pour dialoguer avec l’histoire de l’art à travers elle. »

C’est, je crois, l’approche contemporaine de l’ethnicité et de l’identité culturelle.

Tu as récemment eu une exposition solo titrée « Tongue Tied » à la galerie Sargent’s Daughters à New York. Peux-tu expliquer un peu ton dernier travail qui était présenté à cette occasion ?

Dans cette exposition il y avait une variété d’œuvres que j’ai réalisées en 2016, toutes sous le thème de « tongue tied » (= sans voix).

« Pour moi les tableaux représentent un moment de perturbation à la réalité. »

Je crée cette perturbation à travers de fausses perspectives, en troublant les lois physiques, des reproductions d’image inspirées par des bugs digitaux sur des écrans qui représentent des événements fugitifs comme un seuil vers un crise. Des objets et des fruits prennent l’apparence d’objets animés.

Dans l’exposition « Tongue Tied » il y a une série de tableaux de 9×12 pouces à base de tempéra à l’œuf, posés chacun sur des étagères étroites. J’ai commencé récemment à peindre avec la tempéra à l’œuf sur des panneaux. Le processus est lent et fatiguant ce que je n’aime pas, même si j’ai besoin de ce temps de méditation. J’aime la façon dont le jaune d’œuf coule sur la surface lisse des panneaux de bois, et la texture qui se crée ainsi par les pigments qui ne se sont pas mélangés. Les couleurs sont radieuses et j’aime que le tableau ressemble à des carreaux peints.

J’ai aussi exposé un tableau d’un large format, dessiné avec un marker sur du papier. Ce dessin représente une interaction complexe de nappe avec un imprimé ornemental, de papier peint et de tapis interrompus par de longues rangées d’oiseaux superposés et qui se déplacent à travers le tableau. Il m’a fallu un mois pour terminer ce tableau de 5×7 pieds.

Le héros de l’exposition, que j’appelle parfois Don Quichotte, est une silhouette plate agenouillée avec un drapeau dans sa main et un autoportrait de moi-même sur sa poitrine, inspiré du travail de Barbara Kruger « Ton corps est un champ de bataille ».

L’exposition comprend également une large peinture murale faite spécialement pour les murs du bureau de la galerie Sargent’s Daughters. Elle a été réalisée en quatre jours avec deux assistantes et a duré seulement pour la période de l’exposition.

Tu as fait aussi des présentations sous le titre « Two-headed Imagomancy » avec Shahrzad Changalvaee, une autre artiste Iranienne, et ton épouse : Que signifie ce titre et quel est le sujet de cette performance ?

Shahrzad et moi sommes initialement issus du monde du graphic design. Nous étions membre du collective Dabireh avant de quitter l’Iran. Le collective Dabireh a été fondé par Reza Abiding en 2008. Il s’agissait d’un collectif de graphistes, de typographes et de linguistes spécialisés dans la langue persane, l’alphabet, la calligraphie et la typographie.

Depuis que nous avons déménagés aux Etats-Unis, nous avons eu des demandes pour parler de nos œuvres graphiques et nous avons décidé de transformer notre exposé en une conférence-performance sous forme de récit.

« Cette idée est inspirée par des Pardeh-khani, une forme traditionnelle dans des cafés en Iran pour raconter des histoires. »

Notre récit est composé d’histoires dans des histoires ; certaines sont historiques, certaines sont personnelles, certaines des légendes ou des fictions. Mais toutes les histoires traitent de la langue, des lettres, principalement des histoires des lettres arabo-persans. Pour chaque performance, un tableau en particulier est fixé au fond contenant des illustrations pour l’histoire et une image significative qui réfère au lieu où l’histoire se passe.

Le « Two-headed » dans le titre réfère à nous, le couple qui raconte l’histoire ; et le mot « imagomancie », nous l’avons créé en combinant imago + mancie. « Imago » est le mot latin pour « image » et « mancie » réfère à la divination de quelque chose en particulier, comme bibliomanie ou géomancie. « Imagomancie » signifie ainsi la divination à l’aide des images.

Les poèmes de Hafiz ou Roumi sont très présents dans la vie quotidienne en Iran. Y-a-t-il un poème qui te guide dans la vie ?

Il n’y en a pas vraiment un en particulier. Peut-être en général, ils sont présents dans la vie quotidienne des Iraniens, donc ils ont de l’influence inconsciemment sur mes pensées comme pour presque tous les Iraniens.

Des projets à venir ?

Continuer à travailler.

Credits:
L’ensemble de l’oeuvre par Iman Raad
Texte: Anahita Vessier
Traduction: Anahita Vessier
 http://www.imanraad.com/

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