MONA OREN, Poésie de cire
Sculptrice, cirière, performeuse, peintre, les mots manquent pour décrire la pratique de cette artiste, lauréate du Prix Liliane Bettencourt pour l’intelligence de la main en 2018 et récente résidente de la Villa Kujoyama.
.
“Mignonne, allons voir si la rose…”, cette rose de Ronsard nous rappelle à tous notre mortalité, un memento mori qui nous rappelle que le temps passe. La fleur est également l’éphémère qui nous incite à cueillir le jour, et cela, Mona Oren l’a compris et médité. On sait par les découvertes archéologiques que la cire survit et persiste dans le temps. C’est sa grande résilience qui a guidé Mona vers le travail de la cire lors de ses études aux Beaux-Arts de Paris au début des années 2000.
Photo © Ivana Kalvacheva
D’une fleur à l’autre, Mona Oren, d’un geste presque démiurgique, offre la vie éternelle.
Qu’il s’agisse d’iris, de tulipes ou de pensées, elles se comptent par milliers. Transformée, exacerbée, atténuée, la véracité du modèle intéresse peu l’artiste pour qui l’inspiration des formes et des couleurs lui est spontanée. De sa cire, Mona sculpte et donne vie à un champ de fleurs éternelles dont l’apparente fragilité et éphémérité contrastent avec leur véritable durabilité et résistance.
Photo © Ivana Kalvacheva
De son idole de toujours, Georgia O’Keeffe, Mona Oren médite sur la corporalité et la sensualité florale que la cire permet parfaitement de rendre, grâce à sa capacité à conserver l’empreinte dans une transparence et une délicatesse, mais aussi sa proximité avec la peau.
“J’ai trouvé dans les fleurs une possibilité de transfiguration entre la fleur et l’humain”.
Anthropomorphes, ces fleurs nous représentent, chacune avec ses couleurs, ses défauts, ses cicatrices… Ces natures mortes anthropomorphiques se veulent “surprenantes” pour l’artiste qui souhaite “créer des natures mortes qui étonnent”.
Photo © Ivana Kalvacheva
Pour Mona Oren, il s’agit d’une longue réflexion autour de la nature et notamment des fleurs qui “sont là depuis toujours” et cohabitent avec tout un écosystème. L’environnement et la nature sont un pan important du travail de l’artiste qui a également réalisé plusieurs performances in situ entre 2002 et 2021.
Appelée Dead Sea Project, cette série de performances menées par Mona Oren autour de la Mer Morte en Israël allie son travail de la cire et son désir de nature. Dans Dead Sea (2002), l’artiste fait flotter dans la mer des fleurs de cire qui insufflent la vie dans cet environnement hostile mais non dénué de vie, ce que cherche à redire ces fleurs qui “flottent dans un mouvement perpétuel”.
Pour Cocoons I & II (2019), Mona a construit des structures métalliques recouvertes de cire qu’elle a plongées pendant deux semaines dans la Mer Morte. Il en résulte des cocons cristallisés de sel, entre processus naturel et main de l’artiste, un travail à quatre mains qui rappelle la beauté du monde.
De Ronsard au post-land art en passant par Georgia O’Keeffe, Mona Oren questionne la cire, le corps, la nature et elle-même. Ses productions protéiformes rejoignent toutes un lieu commun, celui du rapport à soi et au monde.
Crédits:
Photo couverture (Home) : Ivana Kalvacheva
Texte : Raphaël Levy
Share this post